blog de voyage sans prétention pour ceux qui ont envie de nous suivre
31 Août 2019
LA CHUTE
Nombreux sont les voileux qui sont tombés à l’eau lors du débarquement de l’annexe au ponton, moment souvent sportif, surtout aux Marquises, à avoir perdu téléphones, tablettes, appareil photo, papiers, chaussures …
Avant que ça t’arrive, tu dis « il est maladroit » après « ça arrive souvent » ;
C’est la marée basse, donc le quai est très haut pour grimper, du clapot important, comme appui pour les pieds . il y a un gros boudin noir incliné bien végétalisé, ma tongue glisse ! c’est mon tour ! la tête en bas dans l’eau verte dégueulasse du port ; je ne sais plus dans quel sens aller pour trouver la sortie…
Un ostéopathe m’a remis les cervicales pour arrêter des vertiges très gênants après cette galipette aquatique ; j’ai dû forcer pour essayer d’éviter le bain, accrochée à ce bout.
En plus ça arrive toujours aux heures de pointe, quand il y a 10 annexes qui arrivent et 20 personnes pour venir mater ! très énervant quand t’es trempée d’une eau ignoble et que tu viens de perdre tes lunettes de vue, d’avoir à répondre gentiment aux attentions des curieux… « ca va ?? »… « non ça va pas !!! »
Adieu la paire de lunettes neuves.
Alain a passé 1 heure à chercher avec une bouteille de plongée, en vain, sous les réflexions des passants « il n’est pas dégouté » « moi si ! » encore plus agaçant !
On renforce les mesures de précaution ; « aucun écart » tout ira dans le sac étanche à chaque fois, je mets des ficelles à mes lunettes, (Alain n’en a pas besoin lui, riez !).
LA FETE DE LA MUSIQUE
Un peu dans le style « fête de fin d’année scolaire », ce 21 juin à Hiva Oa aux Marquises, mais ça nous permet de voir encore une fois la magie des danses Marquisiennes Voir le film
Autour du Mae principal, les discours officiels en Marquisien et présentation des écoles sont aussi le moment pour nous de partager le KAI KAI ( repas) local avec d’autres voyageurs et de nous régaler de la diversité des styles ; cette famille a tout laissé en Europe, et largué les amarres avec 3 enfants qui portent des tee-shirts « I LOVE JESUS » et vouvoient leurs parents qui regrettent que Jacques Brel n’ait pas une croix sur sa tombe !!
La famille Duquesnois en voyage ; Bon ! nous c’est sûrement les Bobos qui réalisent leur rêve de baba cool en retard…On doit en faire rigoler aussi .. Mais c’est bon enfant, toujours une entraide importante sans barrière sociale ou idéologique.
LES PREPARATIFS
Après remontage de l’échangeur enfin arrivé de France, et une dernière noria en annexe pour faire le plein de gasoil avec les bidons, retour à Hapatoni pour une nouvelle fête religieuse, avec messe en plein air
toujours un moment magique de convivialité , de culture Marquisienne, de bonheur de vivre.
ils reçoivent 100 personnes des autres villages de l’île ; ils dorment dans des salles ouvertes.
à la bonne franquette, hommes, femmes, enfants, péteurs et ronfleurs, sans chichis ; les repas sont préparés par les gens du village qui accueille ; une belle convivialité ; chevrette au lait de coco , poisson cru, poe poe (fruits et farine d’amidon)
.
Au revoir au village et trouver des citrons et des pamplemousses … Impossible de partir sans, c’est le caviar aux Tuamotu. Mais l’Aranui vient d’emmener à Papeete le peu qui est disponible, car à cause de la sécheresse, ils ne sont pas mûrs. On fait le tour des « jardins » on ramasse, on finit par en acheter ! on fait le plein de mangues, qui elles, sont à profusion
Jules le sculpteur à qui nous avions commandé un plat nous donne 2 régimes de bananes qui, accrochés l’arrière du bateau murissent toutes en 2 jours !
On est prêts pour le départ des Marquises.
Cet archipel nous a émerveillé par ses îles au relief difficile, qui rivalisent de beauté sauvage, mais surtout par ce peuple hors du commun qui se bat pour revaloriser son héritage culturel qui a failli disparaitre, reconstruire la richesse de l’ancienne civilisation au travers de la langue, des chants, des danses, des tatouages… Si leur quotidien reste la cueillette, la chasse et la pêche, ils communiquent leur bonheur et leur fierté de vivre sur cette FENUA ENATA.
Nous repartons vers l’archipel des Tuamotu le chapelet des 77 atolls à fleur d’eau, paradis du sable blanc, du vert des cocotiers et de toutes les teintes de bleus de l’eau du lagon.
Les Tuamotu sont sorties de l’ombre avec l’exploitation de la nacre, du coprah et du phosphate ; aujourd’hui seul le coprah, et maintenant le tourisme font vivre ces atolls magnifiques.
LA TRAVERSEE VERS LES TUAMOTU
Une fenêtre météo favorable avant un gros coup de Maramu (vent sud-est qui peut être très fort), et on part vers Makemo.
Météo prévue : vent 15 à 25 nœuds de NE, vitesse prévue 7 nœuds, distance 480 milles, houle 1,50 à 2,00 m mais d’est, donc par l’arrière, ça devrait être nickel ! 3 jours de navigation.
La première nuit, ça bouge beaucoup, tu te dis que tu vas descendre à la prochaine station et prendre un taxi… mais il n’y a pas de station, ni de taxi... Alors tu prends tu restes à bord ; le 3ème jour c’est divin et tu regrettes que ce soit bientôt fini... Tu as repris le rythme de la mer, de la pêche
et des pamplemousses dégustés à l’avant du bateau.
et finalement tu te dis que c’est ça le bonheur..
On adore la longue navigation : pêche, contemplation de la mer,
calcul des navs,,, cuisine, ménage ou nettoyage des winchs a la brosse à dent pour bien ôter les vieilles graisses ; dire qu’on avait signé pour la croisière s’amuse ! Bien sûr c’est une vanne, on se rappelle encore que bosser ça n’est pas simple, on y pense souvent ! On se rappelle bien le poids de ces jours ou le boulot était trop lourd…ou il est dur de se lever..
Mais si vous saviez le nombre de gens qui nous disent « ils ne se rendent pas compte nos familles et amis que c’est souvent dur… ». Oui, c’est parfois dur, mais c’est choisi, et ça change tout.
Pendant cette traversée il faut gérer l’abondance de bananes ; on essaye de les faire sécher
il n’y a pas de mouches en traversée, mais le temps est pluvieux, on met un pied dans le plateau ou elles commencent à moisir alors on les met dans le rhum, pour tester un sauvetage de dernière minute. Elles partent aussi en gâteaux, et dans de l’huile de coco. Fini les bananes au citron ou flambées au rhum ; il faudra attendre Tahiti !
Un autre voilier est à 3 milles pendant 2 jours, en route parallèle, on finit par avoir de la sympathie, on ne les connait pas mais on les observe… C’est si rare un voilier sur ces trajets ; tiens il a mis son spi, nous on choisit le cocotier
c’est trop instable retour au code 0 on prend des ris et on le met en ciseaux, on adapte. Il faut essayer d’arriver avant la renverse du courant pour rentrer dans l’atoll et c’est excitant de sentir le bateau bien réglé glisser sur l’eau
Raté ! On arrive devant Makemo à 14h, la plus mauvaise heure ; milieu de marée descendante, 4 à 5 nœuds de courant sortant, passe orientée face au vent donc gros mascaret, il faudrait attendre 18 h et donc rentrer de nuit, pas question ! on appelle un local qui nous rassure sur les conditions, « serrez sur l’est du chenal, il y a 5 mètres de fond et un petit contre-courant». On y va, le mascaret est impressionnant mais effectivement sur le côté, c’est calme ; moteurs à fond, 7 nœuds sur la surface, 2 nœuds sur le fond, un contre-courant tu disais ! les vagues déferlent à 5 mètres sur tribord, c’est chaud ; Ouf ! c’est bon, on est dedans.
Le cata derrière nous suit, avec nos conseils par VHF, mais on le voit passer dans le mascaret, en plein bouillon, il ne viendra pas nous remercier après !
Enfin les eaux cristallines et le calme du lagon, mouillage derrière la digue (encore une réalisation Kafkaïenne de la période des essais nucléaires ?)
On retrouve avec plaisir la spontanéité de l’accueil Paumotu :« c’est la fête du Heiva qui commence demain venez »,
Rencontre sympa avec Sergine et Bruno ; il y a un an, ils ont démâté avec leur Outremer 51 à 1,5 milles de Makemo en partant pour les Marquises ; convoyage au moteur jusqu’à Raiatea ; un an d’immobilisation du bateau et les voilà de nouveau au point de départ. Ils sont en train de vider des centaines de litres d’eau de pluie qui rentrent par le nouveau mat, il pleut, la météo annonce du vent un peu fort, mais il faut partir maintenant avant le gros coup de Maramu prévu pour dans 3 jours. Ils sont inquiets, la peur de repartir aux Marquises les a gagnés… Quelques heures à échanger chaleureusement et un bon dÏner aident à les rassurer et à leur redonner confiance ; ils partent tôt le lendemain matin, Sergine déclare « on est des guerriers » Chapeau ! Bonne route les amis …
COUP DE VENT A MAKEMO
Départ au secteur Est, nous mettre a l’abri car un coup de vent est annoncé pendant 1 semaine ; ce minuscule motu
est censé nous protéger du vent de sud-est ; 2 voiliers de kite surfeurs, Damien, Anais, Andreas et Eléna nous accueillent chaleureusement.
Après un bon diner les gars partent sur le platier côté océan dans la nuit noire, durant 3 h, et une mer agitée. Moi après 2 h j’ai commencé à prévoir comment les secourir et me voir veuve … il y a du vent, il fait froid, je n’ai aucun contact local !!
Ils reviennent avec elles.
Alain est proche de l’hypothermie, 1douche chaude, 2 bouillotes, et au lit,
Pour la première fois en 10 mois on a froid, il ne fait que 24° ! mais tout est humide ; on ne va quand même pas mettre le chauffage ! Ce matin, il pleut, il y a 40 Nœud de vent, soit 70 kms/h.
Là où on a mis l’ancre, la mer est calme car on est a l’abri des 10 palmiers de ce minuscule motu et de la barrière de corail, magique non ? Il faut juste se persuader que le mouillage va tenir et que les vagues ne peuvent pas rentrer dans le lagon ! A 100m, de l’autre côté du platier, nous les voyons s’exploser sur le corail.
La veille j’ai passé un moment à préparer tout au cas où l’ancre décroche, fringues sacs et procédures…l’impression qu’ Alaïa tire sur une laisse pour s’échapper… On met l’alarme de mouillage, inch Allah !
Alain, toujours rassurant, a fini par s’endormir paisiblement loin de mes questions et de mes angoisses ; comment imiter cette zénitude ? en regardant des films ! car il faut sortir du « flip » très toxique en mer. Vade retro ! les accidents sont rares et doivent le rester ! la fatigue ...De l’autre côté de la barrière, un voilier s’est récemment échoué avec 2 enfants à bord, ils ont été sauvés par les villageois ; facile, on fait le 16 et Papeete appelle les secours les plus proche.. Qui arrivent vite, des vies sont en jeu, (et du matériel a récupérer) Le capitaine s’était endormi sous régulateur d’allure, et le vent a tourné ! Des histoires de naufrages, on en entend régulièrement ; certaines récentes et proches ; alors on double de vigilance en se disant que la voiture aussi c’est dangereux. Et ici on n’a pas peur de se faire pirater ou cambrioler !
Pendant 3 jours, on retrouve l’immense plaisir des journées d’hiver (que 24° !) ; rester sous la couette à lire ou cuisiner une bonne pizza, faire plein de choses à l’intérieur, laissées de côté quand il fait beau…
J’admire mon équipière préférée, car effectivement c’était impressionnant de voir comment le bateau tirait sur ses 50 mètres de chaîne et quand on mettait le nez dehors, c’était pas jojo. Il n’y a que la raison et la certitude d’avoir mis en place ce qu’il fallait qui permet de rester zen ; on a finalement traversé ce coup de maramu au bon endroit et globalement plutôt sereinement.
Enfin le vent se calme et on remonte au village de Makemo, « Mouillage au village, tout le monde ressort ! petit repas international (France, Allemagne, Norvège, Royaume uni) au snack et au soleil enfin revenu !
Ce matin, escapade à 6 h du matin avec le dinghy du mouillage au petit port pour aller chercher du pain frais et des croissants ; après 15 jours à faire notre pain, le délice, et bien sûr le plaisir de partir seule du bateau profiter du lever du soleil, du réveil du village, blaguer avec les pêcheurs matinaux sur les quais, laisser des croissants sur le bateau des copains au lever tardif, préparer un petit déjeuner surprise...
Nous apprécions énormément d’avoir une annexe solide avec un moteur de 15 CV que chacun de nous peut utiliser seul pour la sécurité, les loisirs, les courses et surtout la possibilité d’un peu de liberté et d’indépendance bienvenus sur un voilier ; c’est la voiture, le seul moyen de sortir du voilier, car nous avons rarement la possibilité de nous mettre à quai.
En fin de matinée, départ pour un mouillage situé à 15 milles dans l’ouest du village. Au bout de 8 milles, constatant que le soleil allait plus vite que je ne l’avais prévu (on est parti trop tard !) et que la luminosité nous cachait certaines petites patates nous avons décidé d’interrompre la navigation, par prudence, et on est allé mouiller à la côte.
Et là, à 200 m de la plage, un calme divin, aucun mouvement du bateau quelques lumières au loin sur la barrière, le clapot de l’annexe à l’arrière, le ciel étoilé, la douceur de la nuit... Et on se dit : incroyable d’être dans une zone aussi inconnue, sur l’eau et de se sentir autant en paix et en sécurité... La magie de la mer immobile qui rassure au lendemain des tempêtes. La sérénité totale...Elle est bleue turquoise, les cocotiers se penchent tendrement vers elle, c’est beau…
Les patates de corail, on les voit très bien, sauf si la mer est d’huile ou que le soleil est de face ; Alain les voit aussi bien que moi, bien qu’il soit daltonien ; mais on reste en vigilance tous les deux, toujours. Les auto-tamponneuses, en mer, c’est pas simple à gérer, et Makemo c’est quand même l’atoll ou le chanteur Antoine s’est échoué sur une patate de corail en 2018 après 50 ans de Polynésie..
ABELA
Encore une belle rencontre. Abela a participé au « sauvetage » pour sortir le catamaran en alu d’Antoine, posé sur une patate de corail ; il a fallu attendre que la marée monte et plusieurs speed boats pour le sortir de là, raconte-t- il.
Cet ancien responsable des services techniques de Makemo sait tout faire. Il a bâti plusieurs maisons de coprah-culteur, dont la plus belle.
Son plaisir : vivre loin du village où les habitants sont de plus en plus des anciens de villes d’où ils ramènent des problème de santé…avec sa maman de 85 ans , sur son motu, loin de tout . Une seule chose l’inquiète ! ce mois-ci la houle est montée 4 fois jusqu’aux cabanes ; normalement cela se passe tous les 20 ans... Il ne comprend pas ! dit il …
Il est venu chercher Alain pour aller chasser au fusil sur une patate plus loin « pour les requins il vaut mieux être deux, si ils t’embêtent tu les tapes » la chasse a été bonne, des mérous et perroquets, ceux qui ne donnent pas la gratte ;
LES ANGLOPHONES
Très nombreux à cette période, ils ne sont pas habitués à essayer de parler en Français et ils ont du mal avec cette région du monde où les gens ne parlent pas Anglais. Du coup ils rentrent très peu en relation avec la population locale, restant à bord où entre eux et piochant les connaissances dans les blogs. Ceux-ci étant peu fournis, ils survolent souvent la Polynésie et partent vers la nouvelle Zélande… Ils respirent de nouveau quand ils arrivent aux Iles Cook.
Certains font l’effort de communiquer malgré cette barrière et ils ne sont pas déçus, car les Polynésiens apprécient et les portes s’ouvrent facilement. Finalement ils sont quelques uns à parler anglais, il suffit de leur demander !
LA HEIVA ET LE 14 JUILLET REPUBLICAIN A MAKEMO
Durant une semaine les 5 atolls qui constituent une seule commune, se retrouvent pour la première des rencontres inter-île.
Dans l’île de Makemo, se trouve le collège qui regroupe à l’année environ 500 jeunes en internat (ils ne rentrent chez eux que pour les grandes vacances, deux fois par an).
Ca démarre par l’élection de Miss Makemo ;
et de Miss Heiva.
Danses, lancers de javelot, tournois de pétanque, de volley de basket et « course de porté de paniers de fruits » ; par curiosité, on est allé voir de quels fruits il s’agit, vu qu’il n’y en a pas aux Tuamotu ; pas de problème, ils les remplacent par des tranches de tronc de palmiers
mais laissent ce titre qui leur semble plus attractif..
Le soir, grand concours de danse, avec un jury plus que sérieux ; des tensions existent, comme partout. La représentante de Raroia quitte le jury, traitant celui de Makemo de mauvais joueur ; il y a de l’argent en jeu pour les gagnants des concours. Des jurés neutres venus de Tahiti tempèrent ; mais le spectacle est magnifique et les tensions vite oubliées et remplacées par la bonne humeur Polynésienne. Les costumes sont entièrement faits à partir des cocotiers
Belles retrouvailles avec la famille de Tarapi , notre guide local en octobre à Raroia ; ils participent aux concours; je donne à sa femme les 50 dernières paires de lunettes, après l’avoir « formée » pour quelle les donne dans leur atoll ou il y a peu d’avions et peu de soins.
Jacques, un Popa arrivé dans les années 80 comme conseiller d’éducation, s’est marié à une Pomutu « Miss Makemo 95 » , il fait pousser des tomates salades et basilic en front de mer , sur le corail ; un délice ; pour lui une façon de mettre des racines sur cette terre où il a eu 4 fils. Il fait partie des voyageurs partis sans diplôme à l’aventure et qui a réussi son intégration, bravo !
Le 14 juillet, c’est sérieux : rendez-vous au phare pour le défilé républicain
: les élus avec leurs écharpes tricolores, les miss de toutes les éditions précédentes, les délégations des 4 atolls ; un joyeux mélange qui va défiler sur 200 mètres jusqu’à la mairie pour les lever des couleurs Française et Polynésienne au son de la marseillaise et de l’hymne polynésien… Mon premier défilé du 14 juillet !
LA LEGENDE DU MORT DU STELLA MARIS
Le lendemain je fais la sieste dans la cabine bâbord ; nous sommes amarrés à quai ; j’entends Alain dans mon sommeil, et je regarde par le hublot; une barge est en train de reculer à fond à 10 m de moi avec de gros remous et un bruit de char d’assaut !!! « courage fuyons » je sors en courant enveloppée dans mon paréo : ALAIN !! il avait bougé Alaïa sans démarrer les moteurs, sans me réveiller, pour laisser la place à la goélette (c’est le nom donné aux cargos qui ravitaillent les atolls en souvenir des anciens bateaux qui le faisaient à la voile); le Stella Maris et sa barge ; quelle trouille, les marins rigolent ! « ça va il est bon notre pilote, n’aies pas peur » !
1 heure plus tard, un coup de vent de sud-ouest s’est levé ; il n’était pas annoncé du tout ; il nous pousse violemment contre le quai, on change donc de place, difficilement, même le Stella Maris doit se faire pousser énergiquement par la barge pour se décoller du quai. Voir le film
Le lendemain je demande au propriétaire de cet adorable restaurant provisoire sur le quai comment il explique ce coup de vent imprévu ; « c’est simple :
chaque fois que le Stella Maris vient avec un corps rapatrié de Papeete pour être enterré sur un atoll des Tuamotu il y a un coup de vent comme celui-là donc on ne peut pas le prévoir ! »
C’est donc normal, nous voilà rassurés ! et nous serons vigilants la prochaine fois qu’on le croisera ; se renseigner sur la météo et le retour des morts vers les atolls, qu’on se le dise ! Ce n’est pas dans le manuel du parfait navigateur !
Repas de crabes de cocotier
avec Elisabeth et Serge qui nous font visiter leur Outremer 51 ; magnifique ; ils naviguent depuis 2 ans, ils ont tout vendu pour partir ; Notre beau catamaran nous semble tout petit après cette visite ; la loi de la relativité, vite allons voir un plus petit que nous ! mais pas de problème, il est parfaitement adapté à notre besoin en navigation et confort.
LA DESCENTE DE PASSE A LA NAGE / LE SAUVETAGE…
La passe de Makemo ouest nous permet une pause sur la route de Tahanea et d’éviter une nuit en mer, qui reste toujours une source de fatigue.
On part en annexe par courant entrant dans le lagon, on se laisse dériver sur le côté de la passe en remorquant le dinghy et on admire les poissons, requins et coraux ;
C’est magique ; cette fois ci on demande à un couple de Sud-Africains sur un autre bateau s’ils veulent la faire avec nous ; ils sont prudents, prennent la VHF, un bâton pour les requins ; ils l’ont faite la veille et nous donnent plein de conseils !
A un moment, Peter lâche son annexe quelques secondes pour une apnée ; elle part sur le platier au milieu d’un Hoa où il est impossible de marcher pied-nus ni nager, du fait des coraux coupants à fleur d’eau ! heureusement nous avons des chaussures dans notre bateau ; je pars à pied la chercher à 200m et Myriam récupère nos amis, les pieds, genoux et mains déjà bien coupés.
On échange le soir sur la sécurité : quelle est la bonne idée, car quand ton annexe est partie avec la VHF et tes chaussures… Par chance on avait 2 annexes, pour une fois… Je les ai filmé marchant comme des canards sur les coraux, ils en riront plus tard.
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On passe d’excellents moments avec eux ; un couple adorable avec lequel on va se suivre jusqu’à Fakarava ; on est invités en Afrique du Sud…
On part ensemble à Tahanea où on a la surprise et le plaisir de retrouver Elisabeth et Serge sur leur Outremer.
Elisabeth, qui est une sportive et une excellente nageuse n’arrivait pas à nager avec un masque et un tuba. Myriam déploie ses talents d’initiatrice et en 2 séances elle est parfaitement à l’aise, impossible de les suivre après, ils étaient devenus fans des passes…
FAKARAVA, LE RETOUR A LA « MAISON »
On rentre dans ce lagon où on a passé 2 mois l’an dernier avec un immense plaisir : on va retrouver des amis et des endroits magiques que l’on connait bien.
Dans la passe, un petit rappel à la sécurité ! un Dufour 56 tout neuf est échoué sur le récif : un départ de nuit avec un courant défavorable et un bout dans l’hélice… il a été totalement démonté et sera découpé en petits tronçons.
Arrêt à Tetamanou pour une petite descente de la « passe aux 700 requins », toujours aussi belle.
On monte directement à Pakokota chez Agnés et Mathieu pour récupérer un colis qui arrive de France et le kayak de Myriam acheté d’occasion
à Papeete et que Stéphanie de Planète Océan nous ont amené sur leur catamaran. Il faut aussi qu’on se reconnecte avec le monde après 10 jours sans internet ni téléphone.
Arrêt une semaine à Irifa! La pêche, le Kite, la nage… Je reprends 3 cours avec Adrien et ca y est je tire des bords
! Bon ! j’ai encore besoin de ma vahiné avec le dinghy pour venir me chercher sous le vent à la tombée de la nuit ; elle adore ça grrrr !...
Tevai et Tagi viennent avec nous pêcher, adorables ; elle me montre comment décrocher les bénitiers que nous mangerons avec du citron.
Tagi , le « demi-pêcheur », est excellent ; il voit tout et il tue tout ce qu’il voit grâce à notre fusil,, d’une flèche Voir le film il sait tout sur les poissons, ou presque ; petite confusion entre les mérous cigua-toxiques et ceux qui sont bons ; nous allons attendre 24 h dans le doute, après les avoir mangé ! on a baissé l’attention, devant la compétence d’un enfant de 10 ans si malin...la grand-mère le sait mais «si tu es malade, tu prends la feuille jaune de cet arbre et tu fais une décoction » on est sauvés..
Ils viennent à bord d’Alaïa et Ils rient de tout, la douche, le trampoline, le miel, puis un bon film : les aristochats. Moment magique pour nous et pour eux bien sûr.
LES HUILES ESSENTIELLES A PAKOKOTA
Agnès a une boule style tumorale de 3cm/3 à la joue et elle a mal à la gorge ; en attendant qu’elle aille au village le lundi suivant au dispensaire de l’atoll à 20kms je lui donne une préparation ; en 2 jours les signes ont réduit de moitié, disparus en 5 ; encore un effet magique ! incroyable pour moi aussi ; elle pensait que c’était un herpès (?) je craignais pire . elle m’a offert un corail en cœur de son atoll..
LES 193 ESSAIS NUCLEAIRES . 50 ANS DE CONTROVERSE.
Lorsque l’indépendance de l’Algérie a contraint la France à trouver un autre site que le Sahara pour ses essais nucléaires, l’atoll de Mururoa a été choisi ; des essais atmosphériques ont été fait de 1966 à 1980 malgré une réprobation internationale unanime ; Puis des tirs souterrains ont été effectués jusqu’en 1992.
Ce programme est rapidement devenu la composante majeure de l’économie Polynésienne.
Le CEP (centre d’expérimentation du Pacifique) à Mururoa et Fangatoa a créé un bouleversement socio-économique de la société Polynésienne qui a été projetée sans transition dans la société de consommation. Des atolls entiers se sont vidés de leur habitants, attirés par les emplois créés autour de ce projet.
Celui-ci a laissé des personnes exilées, sans emploi, des familles brisées, des structures ingérables, inutiles, interdites. Des fortunes se sont faites, certaines se sont défaites.
Cela a été une belle époque pour beaucoup ; les militaires français qui ont été affectés à Mururoa ne s’en sont jamais tout à fait remis, beaucoup sont revenus s’installer en Polynésie. Ce territoire reste douloureux des conséquences de ces « 30 glorieuses » artificielles.
En 1995, quand Jacques Chirac a décidé la reprise des Essais, les relations diplomatiques avec la Nouvelle Zélande, déjà dégradées par l’affaire du Rainbow Warrior, se sont tendues.
L’autre conséquence de ces essais est sanitaire ; Ghislain Houzel,
géo-physicien a participé à ces tirs. Il dénonce aujourd’hui la loi du silence et milite pour la reconnaissance des dommages sanitaires. La loi Morin, votée en 2010, définit les 21 cancers radio induits pouvant être dus à ces tirs ; Des milliers de personnes sont malades ou décédés de ces maladies dans les 5 archipels, sans aide financière ou reconnaissance (cancer de la thyroïde, digestifs, leucémies…)
A Rotoava, la serveuse du restaurant où « l’association 193 » est présentée, a plusieurs personnes de sa famille atteintes d’un cancer du sang. L’article ci-joint décrit bien la situation.
Encore aujourd’hui, la loi du silence est très forte et beaucoup de Polynésiens ne se posent pas la question alors qu’ils ont des personnes touchées dans leur entourage. Les arguments fréquemment exprimés contre cette recherche est : « il y en a qui veulent abuser et se faire des sous » ou « je n’ai rien, j’y étais, donc il n’y avait pas de risque ».
Un ami, avec qui nous en parlons, nous dit que chez lui personne n’est malade… à part son frère qui a eu une tumeur de la thyroïde à 18 ans ! Après cet échange il se rappelle que personne ne comprenait pourquoi il avait celà , à l’époque… Il en reparle le lendemain.
Enfin, personne ne maitrise à long terme les conséquences géologiques ; les essais souterrains auraient fissuré l’atoll et des matières radioactives s échapperaient du socle basaltique.
MORTON LE DEFRICHEUR DE TOAO
On ne pouvait pas passer devant Toao sans s’arrêter chez Morton qu’on avait rencontré l’an dernier. Cet ancien perli-culteur, diplômé d’une université Australienne et ancien agent de change a décidé d’installer une pêcherie sur un terrain de famille après avoir vu sa ferme perlière décimée par une algue toxique.
La tâche est immense, mais il a le moral. Tout est à faire.
Nous mettons en route notre réseau pour lui trouver des woofers ; il y a là un chantier de bâtisseurs, permettant d’être proche de la nature, de la non-consommation et d’apprendre tant de choses sur la vie aux Tuamotu.
Salade de cœur d’un palmier de 3 m dont on a coupé l’arbre
J’ai replanté pour lui faire une haie 20 petits tamanous, l’arbre dont les fruits donnent une huile très réputée en Polynésie. Des coco ouvertes protègeront les racines de la sécheresse.
Nous avons passé 4 jours avec lui dans son campement
il profite de notre présence pour faire des choses qu’il se refuse à faire quand il est tout seul pour des raisons de sécurité : bucheronnage pour ramener des troncs de Kahia de la brousse (bois très dur) qui va lui permettre de faire un 2ème hangar et le Fare qu’il faudra qu’il construise pour que sa femme ait envie de le rejoindre un jour. Elle vit à Los Angeles et heureusement elle travaille à Air Tahiti ; ça leur permet de se voir quand même assez souvent.Voir le film
Nous sommes toujours épatés par ce mode de vie Polynésien où les familles sont complètement éclatées, et où les enfants sont pris en charge par la famille proche ou lointaine, ou par des amis. Tout cela a l’air de se passer harmonieusement et semble créer des chaînes d’échange et de solidarité ; Les goélettes transportent des colis ou des glacières de fruits, de poissons… entre les archipels ; on envoie ce qui est à profusion, on reçoit ce qu’il manque.
Le soir, Morton profite de la présence d’Alaïa, pour se faire de bonnes nuits réparatrices, loin des nonos dont il n’a pas encore réussi à débarrasser son petit coin de paradis. Quand le vent n’est pas favorable, il va dormir dans son hamac sur le platier. Même notre baume magique ne fonctionne pas !
Demain c’est week-end, on ne travaille pas ; il nous initie à la pêche au filet,
mais il y a trop de vagues sur le platier et l’après-midi, il nous emmène voir une ferme perlière abandonnée ; là encore, nous prenons une leçon : les installations sont impressionnantes, il y a plein de choses que l’on pourrait récupérer, mais les Polynésiens semblent avoir un sens aigu de la propriété privée. Si Morton veut récupérer du bois ou des matériaux, il demande l’autorisation.
Dans la 2ème moitié du 19ème siècle et jusque dans les années 60, la production de nacre pour l’industrie boutonnière était, avec le coprah une composante majeure de l’économie des Tuamotu ; l’épuisement des stocks naturels et la production de boutons en plastique a sonné le glas de cette industrie ; la rationalisation des méthodes d’élevage couplée avec les techniques de greffe ont donné naissance à la perliculture, dont l’impact économique a été très important ; celui-ci associé à l’arrivée des essais nucléaires a créé un boum économique sans précédent aux Tuamotu, créant de nombreux emplois et mettant fin à l’exode des Paumotus vers Tahiti.
Depuis quelques années, l’archipel est touché de plein fouet par la crise de la perli-culture et la chute des cours qui a entrainé la fermeture de nombreuses fermes perlières.
On se remet en route pour Rangiroa . La passe de sortie de Toao nous prend par surprise et nous sortons en plein mascaret…Accrochez vous bien !! Voir le film
RANGIROA
24 heures de navigation paisible,
1 marlin
et 1 thon et 2 heures à tourner devant la passe de Tiputa pour ne pas se faire avoir une deuxième fois ! Nous voilà ancrés devant le centre de plongée de Top dive ou Alain encadre les plongées une semaine.
On donne le marlin au snack voisin, il nous paiera en repas… et mettra à la carte le « burger Alaïa »
Le second atoll du monde par sa superficie, (75kms sur 25) , Rangiroa pourrait contenir l’île de Tahiti toute entière ! Il n’y a pas de plages mais c’est un des paradis de la plongée pour les plongeurs expérimentés.
La passe de Tiputa est célèbre. Les dauphins y sont amicaux, ils jouent dans les vagues du mascaret et viennent de temps en temps saluer les plongeurs. Parfois ils viennent même se faire caresser ou gratouiller sous les nageoires et sur la caudale ; moment magique ! mais c’est à leur discrétion… Ce sont des animaux sauvages et ce sont eux qui décident ; certains moniteurs, en particulier les Polynésiens qui sont nés ici, semblent avoir leur préférence (n’est-ce pas Manou… une belle histoire d’amour !). Il est sûr que l’interaction plongeurs dauphins a modifié leur comportement, mais ils semblent libres de choisir ;
Une semaine de belles plongées, les dauphins, requin marteau, gros napoléons, mantas , des requins, des thons, des milliers de poissons de récif... et le plaisir d’encadrer. Certaines plongées sont magiques, mais les courants et le mascaret sont assez violents par moment, on ne finit pas toujours où l’on veut.
MYRIAM ET ALAIN
Des amis à Papeete nous ont signalé en août dernier qu’ils avaient ôté nos annonces sachant que l’on avait trouvé le voilier… « pas de blague, c’est pas nous, on n’a pas mis d’annonce » Nous savions donc qu’un autre couple Alain et Myriam cherchait un bateau.
Quelques temps plus tard, d’autres copains nous disent leur avoir vendu leur Dufour 385.
On retrouve Gaïa à Rangiroa, ils l’ont acheté, pour 6 mois, comme nous au départ. Ils avaient bien évidemment entendu parler de nous.
Nous partons à 2 bateaux faire le tour de l’atoll ; il est magnifique et sauvage car les 2 passes sont l’une à côté de l’autre ; il est surtout original, avec des récifs magnifiquement ciselés
et des petits lagons insérés dans la barrière de corail, ce « serpent » de 1m
Ca s’appelle Heitapipii, c’est une holoturie (concombre des mer) dont une extrémité se termine en diverticules arborescentes , des branchies ; il ne donne que des irritation ; ouf !
Nouvelle excursion aux langoustes, barbecue de poissons sur les motus peuplés par les coprah-culteurs a certaines périodes.
On visite l’ancien village principal de l’atoll ; Otepipi est à l’opposé des passes à 20 milles ; un Paumotu venu faire l’inventaire des cocotiers pour voir s’il peut alimenter l’huilerie qu’il vient de créer, nous explique qu’à l’origine, les guerriers campaient près des passes pour défendre l’entrée de l’atoll et que la population habitait de l’autre côté ; la fin des guerres et des invasions a sonné le glas de ces villages éloignés au profit du voisinage des passes. A Otepipi, seule l’église demeure, car elle est entretenue lors de pèlerinages.
Nous profitons d’un temps exceptionnellement calme pour un mouillage à l’ouest de l’atoll, prés d’une petite passe qui nous permet d’aller nager de l’autre côté de la barrière, en pleine mer. La faune est incroyablement dense ; nous ramenons un beau bec de cane pour le déjeuner
Un dernier au revoir aux dauphins
Nous quittons le pays d’Adam et Eve
pour aller à la rencontre des baleines… retour à Tahiti au pays des lumières..