blog de voyage sans prétention pour ceux qui ont envie de nous suivre
6 Novembre 2018
« AUX MARQUISES GEMIR N’EST PAS DE MISE » Jacques Brel
MAVE MAI : « bienvenue » à la FENUA ENATA . «la terre des hommes »
L’archipel des Marquises est le plus éloigné de Tahiti (1400kms) et le premier ou accostent les voiliers qui arrivent de Panama après 30 jours de navigation.
Il est composé de 12 îles dont 6 seulement sont habitées par 10.000 personnes en tout.
Les Marquises ne sont pas coupées du monde grâce à 2 aéroports reliés à Papeete.
On y vient pour découvrir des paysages somptueux et la singularité des richesses culturelles au travers des traditions, danses, légendes, artisanat, langues… Ici pas d’accueil de tourisme de masse, seulement quelques petits paquebots de croisière et quelques avions pour lesquels les prix sont encore très élevés.
Tous les voyageurs que nous avons croisés en Polynésie avaient des lumières dans les yeux en parlant des Marquises. « le jardin d’Eden ». Tout y est généreux, La nature a gâté ce peuple ; ici tout pousse en permanence, des fruits, des légumes .
Il y a de la viande et du poisson à foison, personne ne meurt de faim ; l’accueil est simple, et le partage une évidence.
Nous ne pouvions pas rentrer sans avoir « rencontré » les Marquises.
Nous allons visiter Nuku Iva
(île principale des Marquises, dont la capitale est Taiohae) , Ua pou, Tahuata et Hiva oa ou nous laisserons Alaïa au chantier naval mi-décembre pour revenir passer Noël avec notre famille et accueillir l’enfant de Malik et Judith.
HISTOIRE ET RENAISSANCE RECENTE
Les Marquises sont le premier centre d’installation des Polynésiens qui se sont ensuite dispersés vers l’ensemble du triangle Polynésien, de Hawaï à l’île de Pâques et à la nouvelle Zélande.
Les Espagnols ont rompu leur isolement en 1595 ; puis les scientifiques en 1774 avec le capitaine Cook, les Baleiniers avec l’écrivain Hermann Melville (Moby Dick) ; Par la suite, la civilisation occidentale a fait voler en éclats la société marquisienne à travers les colons, baleiniers, ou autres missionnaires et administrations coloniales. Leur présence a entraîné la disparition de la culture marquisienne et un déclin démographique foudroyant : en 80 ans la population est passée de 18 000 à 2 000 (maladies, syphilis, alcoolisme…) ; La langue, les tatouages et toutes les manifestations de la culture marquisienne ont été interdits.
Un ancien m’a expliqué comment, s’il parlait marquisien, on lui mettait les bras en croix, a genoux sur le perron avec des cailloux dans les mains, comme dans tant d’autres pays où même des régions de France… et qu’il a longtemps détesté le Français .
Le docteur ROLLIN a enrayé l’hémorragie vers 1930, et en 1987, l’évêque de Nuku Hiva crée une association pour défendre l’identité marquisienne : la langue, les danses, les tatouages, les sculptures.. Un premier festival a lieu en 1987, il se renouvelle tous les 4 ans depuis.
L’installation de Gauguin puis de Brel ont attiré l’attention sur cet archipel qui ne s'est désenclavé et équipé que depuis les années 80.
Les immenses richesses archéologiques et le renouveau de la culture redonnent leurs lettres de noblesse à cette civilisation. Elle pourrait être inscrite au patrimoine mondial de l’humanité en 2019.
Nous arrivons pour 2 mois, émus de découvrir cet archipel mythique et mystérieux.
ARRIVEE A NUKU IVA
Après 90 H de navigation très paisible, nous voyons apparaître, à l’aube, les sommets vertigineux de 3 Îles Nuku Iva, Ua pou et Hua Huka ; retour aux îles volcaniques avec des sommets à plus de 1000m. Quel changement après les atolls des Tuamotu que l’on n’aperçevait qu’à quelques milles.
Nuku Iva est la plus grande île de Polynésie après Tahiti, avec des paysages exceptionnels alternant falaises, canyons, crêtes acérées, vallées mystérieuses, cascades… Elle a 1700 habitants sur 330 kms.
C’est aussi l’île ou Marie Claire (amie d'Hendaye) a créé le premier poste d’infirmière libérale et où vit la famille de son fils Métaki. Ici ils sont bien connus
Nous avons tout à découvrir, nous avons du mal à mémoriser les noms compliqués qui se ressemblent tous; la langue est différente, ici un dialecte par île, fini le Tahitien ; KAOHA: bonjour, KAUTAO : merci. Les 2 langues, le polynésien et le marquisien n’ont que 14 lettres et sont bien différentes.
Alaïa entre dans la baie de Taiohae, un peu protégée par les 2 récifs, les sentinelles Est et Ouest qui apaisent l’océan.
Une rade de 3,5 kms, encerclée de pics en lame de couteau, tapissée de manguiers, acacias, pamplemoussiers ; Nous découvrirons vite que nos intestins et nos muscles ne sont plus habitués aux crudités et aux montées. Réadaptation douce, pour les deux finalement.
Nous allons y rester une semaine, pour nous remettre à la marche et profiter du « confort» d’une île plus développée que les atolls des Tuamotu.
Premier jour, repos au restaurant Pearl Lodge, seul restaurant ouvert le dimanche, vue sur la baie et piscine à débordement, le bonheur. De l’eau fraiche et douce, sans vagues et sans requins.
Le soir, film sur Jacques Brel présenté au ciné-club par les coopérants (profs et soignants), pour connaitre la vie du Grand Jaques qui a tant aimé les Marquises et est mort à Hiva Oa. Il y est enterré et a laissé en souvenir son petit avion jaune avec lequel il rendait souvent service à la population en faisant des transports privés et gratuits, notamment pour les malades.
Le lendemain, enfin le joli marché, avec ses fruits et légumes colorés, énormes, variés, mûrs à souhait ; on salive, enfin du frais : tomates, avocats, mangues, bananes, gingembre et curcuma a gogo ; Ici, on a des vrais jus de fruits .. Partout. OUAOUH…et plein de productions locales, vinaigre de bananes…les mangues ne couvrent pas les sols comme promis, nous sommes en hiver… Mais ça va vite revenir. En attendant, on devra monter aux arbres
ou grandir, ce qui ne les fait pas murir….
Quelques jours plus tard : en fait ça dépend des vallées ; on a fini par marcher dessus et s’offrir le plaisir de déguster mangues et pamplemousses au milieu de la balade.
Pour vous écrire, il y a le café Vaeaki , lieu de rencontre des voileux ;
Ici on sert au petit déjeuner du gras en Firi Firi ou du poisson.
Rencontre des Marquisiens et de gens de la mer : les pêcheurs qui nettoient le thon à 5 H du matin,
les chasseurs qui déchargent des carcasses dans la nuit, les voileux qui ne sont jamais repartis et qui se sont installés, ceux qui sont en galère depuis des mois, ceux qui sont en cours d’installation (il y a encore des besoins ; ex cette orthophoniste enceinte de son 3ème enfant), et enfin ceux qui vont hiverner aux Marquises en attendant la fin de la période des cyclones aux Tuamotu.
On se balade ; plaisir de rentrer dans la nuit « à la maison » en annexe ; pas de parking à chercher, et le bercement des vagues, la beauté des étoiles, la brise chaude sur le corps, la recherche de notre bateau dans le noir « tu as mis les feux de mouillage » à 8H ce matin ? mais rien ne presse, on ne dérange personne, on n’a qu’à s’amarrer, grimper sur la jupe arrière sans faire tomber les sacs à l’eau, et remonter l’annexe ; le roulis est plus fort cette semaine on n’a pas envie de rester sur Alaïa, ça bouge trop et la terre nous appelle.
LA CULTURE MARQUISIENNE :
Il y a sur l’île de très nombreux sites et objets archéologiques témoignant de l’évolution des Marquises au fil du temps.
Les Tikis ; on en trouve dans toute la Polynésie, mais aux Marquises, ils sont partout. Ces statues, en pierre volcanique ou en bois, sont au carrefour de l’art et de la religion. Placés sur ou à proximité des lieux sacrés, les spécialistes supposent qu’ils avaient une fonction religieuse ou symbolique, figurant le souvenir d’ancêtres divinisés ou d’une puissance protectrice.
Le Tiki Tuhiva surplombe la baie ; monument contemporain, il a été fait en 2016 ; il mesure 12 m et représente le guerrier TUHIVA qui s’élance pour façonner son futur avec la force ancestrale héritée de la femme TIKI.
Les Tohua : , esplanades ou plate-formes communautaires pavées ou se déroulaient des festivités, danses, jeux.
Le centre Tohua Koweva, village traditionnel fait pour le festival culturel à Tapivai. Une partie du film sur les tatouages (voir plus bas) y a été tourné avec les gens du village
Les Pae-pae : plate-forme composée de blocs rocheux, à 2 niveaux, sur laquelle étaient construites les anciennes habitations.
Le Mea : espace religieux sacré ; c’est le lieu du culte, d’inhumation et d’offrande ; il était strictement tapu (interdit) et réservé aux initiés dotés du mana (force surnaturelle). C’est là que se déroulaient les rituels et en particulier les rites anthropophages (à ne pas confondre avec la cannibalisme) réservés aux prêtres, chefs et guerriers lors des sacrifices humains. Il est généralement situé à proximité de l’arbre sacré : le banian. Il en reste heureusement beaucoup que les missionnaires n’ont pas fait couper !
Notre dame des ïles, un beau mélange de pierre et bois issus des 6 iles habitées, construite en 1977 ; elle se dresse sur le Tohua Mauia offert au 19ème siècle par le chef traditionnel Moana à l’évêque des Marquises pour y bâtir une école.
Nous louons une voiture, ce qui nous permet de faire le tour de l’île et d’ aller le soir, à la projection du documentaire Patutiki, sur les tatouages à Tapivai ; ce petit village a été un lieu de résistance important. De belles rencontres avec les villageois autour d’un thème qui leur est cher.
LE PATUTIKI ou l’art du tatouage des îles Marquises. C’était un mode de transmission écrit de l’histoire de ce peuple à l’aide de symboles qui représentait l’origine, la famille, le métier…. Et qui se faisait en plusieurs étapes tout au long de la vie à partir de l’entrée dans l’âge adulte. L’interdiction par les missionnaires a ôté aux marquisiens ce mode de communication ancestral ; il est en train d’être revalorisé pour ne pas disparaître, grâce entre autre à des résistants qui ont sculpté ces symboles sur du bois pendant des générations pour les mémoriser. Pendant des années, ces symboles étaient tatoués dans le monde entier tout en ayant perdu leurs significations ; aujourd’hui, les marquisiens se réapproprient leur patrimoine tout en le faisant évoluer. La connaissance de la signification des dessins guident la rencontre et la connaissance de l’autre ainsi que de son histoire. On est loin du bagnard ou mauvais garçon, mais bien dans un monde de richesse culturelle.
La descendante de la 4ème génération de la reine Vaitheu, a été fière de nous expliquer ses différents tatouages. Nous l’avons rencontrée en haut d’une montagne, et si nous n'avions pas vu le film, nous n’aurions pas osé l’aborder sur ce thème.
Elle a passé de nombreuses années en France ou la perception des tatouages est encore connotée.
Chez les riches, celles qui devaient servir à manger devaient avoir certains tatouages sur les mains.
Aujourd’hui, les jeunes respectent ceux qui ont un tatouage. Ils sont porteurs de valeurs..
UN PEU DE VELO…
Non vous ne rêvez pas, malgré les dénivelés phénoménaux, nous avons fait du vélo…. électrique ; génial nous sommes conquis. Je ne sais pas si nous allons racheter une voiture en rentrant.
LES NONOS (encore…)
Nos ennemis, sont des petites mouches invisibles qui donnent des démangeaisons terribles, récidivant plusieurs soirs de suite , résistant à tout ce qui pourrait les apaiser,…(à part le baume du tigre… Merci Valérie !) et qui s’infectent, il faut s’habiller avec du long et se badigeonner de monoi, ou attendre une immunité improbable...
La meilleure solution : découvrir les Marquises en bateau, et si on tient à aller à la plage, piquer une tête et dégager vite fait…
LES ANIMAUX
Ils sont nombreux en liberté : poules coqs, chevaux, vaches, chèvres et cochons sauvages
.La chasse des chèvres et des cochons sauvages est l’activité régulière des hommes aux Marquises ; les sangliers parfois tuent leurs chiens,. Ils font de magnifiques colliers de leurs dents et de leurs os… des trophées.
A part ça, comme dans le reste de la Polynésie, pas de dangers terrestres à part le 100 pieds (gros scolopendre) qui aime la chaleur et l’humidité ; attention en remettant le short après le bain dans la magnifique cascade !
Mais bon pour l’instant nous n’en avons pas croisé…
LA SANTE AUX MARQUISES :
Muriel la directrice rencontrée au cinéma me fait visiter l’hôpital ; ici il manque encore des volontaires. Elle était en retraite et a été recrutée… J’aurais pu me faire embaucher comme cadre… Un rêve, dans une autre vie…
Il y a 100 salariés : 50 sur place et 50 dans les autres îles. Une importante démarche d’éducation à la santé est en place.
Un bloc, des urgences, des lits d’hospitalisation, 2 chirurgiens, un dentiste, bientôt de la chimiothérapie, et une sage-femme qui gère l’ensemble des grossesses ; ici tout est fait pour que l’enfant soit marquisien, donc né ici, et pas à Papeete, sinon il serait Polynésien ; mais pour cela, il faut réhabiliter l’accouchement physiologique…
L’hôpital est très propre, en cours de travaux; le personnel vient beaucoup de métropole, pour quelques années, ce qui permet de moderniser les pratiques mais rend difficile la continuité ; les obstacles sont nombreux, à commencer par le banian du jardin dont les racines soulèvent les bâtiments
il a reçu les corps et les âmes des ancêtres, donc on ne le coupe pas ! Il faut de nombreuses réunions pour obtenir de faire un mur souterrain pour bloquer les racines immenses..
Ici encore plus qu’ailleurs en Polynésie, du fait de la richesse de la nature, il y avait une réelle connaissance du soin par les plantes, mais cette médecine est devenue illégale, et a donc disparu officiellement ! Ici où là on arrive à avoir quelques « recettes » pour soigner, là où la médecine ne traite que les symptômes (par exemple pour la ciguatera), mais c’est difficile et les marquisiens sont perdus face aux 2 approches qui se tournent le dos.
Ce qui est paradoxal, c’est que certaines plantes partent par centaines de fûts aux Etats Unis pour y être vendu en ampoules.
ex : Le Noni : un arbre que l’on trouve absolument partout en polynésie, qui commence à être commercialisé en Europe pour ses multiples qualités curatives.
Nous avons visité la petite entreprise de Samuel ;
il sèche les feuilles de Noni et les envoie au Japon, mais il ne sait pas ce qu’ils en font! En tisane ? il a tenté, mais il a eu du mal à se réveiller le lendemain….
A l’hôpital les infirmières sont habituées à négocier avec les patients une fenêtre « alternative » pour essayer des traitements allopathiques ; les histoires de guérison ne manquent pas , de part et d’autres, bien sûr.
LA PLONGEEE AUX MARQUISES
Il n’y a que 2 centres de plongée aux Marquises ; l’eau n’est pas très claire prés des côtes et les gens ne viennent pas ici pour ça. En revanche de nombreux chercheurs et biologistes viennent pour étudier la faune et la flore.
La faune pélagique est très présente alors, il fallait qu’on essaye et on n’a pas été déçus…
Les conditions n’étaient pas forcément très rassurantes : peu de visi, une mer agitée, du courant, des requins marteaux annoncés et en plus de ça, le club n’encadre pas, il t’emmène sur le site, t’explique tout et tu plonges en autonomie !
On est 8 à plonger, les autres connaissent le site et nous rassurent tout de suite :
« Les requins marteaux tu les vois quand ils sont prêts de toi, mais tu ne les intéresse pas, il y a beaucoup de corail de feu et aujourd’hui il y a beaucoup de houle, fais gaffe au ressac et aux courants…»
Comme d’habitude, un peu d’appréhension avant mais après : le bonheur de plonger, de «voler» et ça va , 10 à 15 m de visi et pas plus agité que chez nous; on croise un groupe de requins marteaux
l’un d’eux un peu plus curieux vient vers nous; on s’habitue vite à leur gros nez, puis 3 rais mantas, majestueuses aériennes ! le bonheur est immédiat, total ! sans compter bien sûr tout le reste : thons, carangues, baracudas…. Rendez vous pour une 3 ème plongée Marquises à Hiva Hoa.
LA BAIE D ANAHO
Au nord de l’île, accessible uniquement par la mer, elle est évoquée comme la plus belle des Marquises. Ici, pas de roulis ; enfin l’envie de rester un peu à bord, se reposer.
Un seul hic, il y a la ciguatera depuis une vingtaine d’’années .
Interdit de pêcher ; ce panneau est affiché partout ; des Russes ont été évacués cet été pour avoir consommé du poisson… Les pauvres ; ici, c’est bien de parler Français à défaut du marquisien. L’anglais « universel » ne l’est pas toujours.
On passe le col a pied pour aller manger chez Yvonne, à Haitiheu (chèvre au lait de coco et porc au rhum) ; Yvonne, la mairesse nous régale de ses histoires.
Elle se bat car maintenant c’est Papeete qui décide les financements et elle n’obtient plus assez d’aide. Elle a réhabilité 3 sites archéologiques avec des chantiers de jeunes, elle se bat pour que les jeunes ne partent pas à Papeete où ils se retrouvent dans la rue, sans boulot. « Ici , tu ne meures jamais de faim, il y a tout , tu peux toujours trouver du travail , mais le danger c’est qu’ils deviennent fainéants ». Elle refuse de céder aux sirènes des groupes hôteliers qui voudraient faire un hôtel de 300 lits dans cette baie magnifique…
"Une vraie salope qui s’en met plein les poches" nous confie jacques le lendemain,(le « popa » d’Anaho, cf plus loin) un village, comme partout...
On en a entendu de toutes les couleurs sur cette femme au cours de notre visite de l’île, mais au bout du compte, toutes les vallées se sont retrouvées samedi dernier à Haitiheu pour une énorme fête pour ses 80 ans… sans rancune !
Au retour, un chien nous accompagne ; il va tuer une petite chèvre sauvage et la laisser sur notre passage, un signe d’amitié ? On l’a donnée au propriétaire du chien qui nous remercie avec un gigot après nous avoir dit « vous n’avez pas de congélateur à bord ? » ...
LE MARAICHER D’ANAHO
Dans un paysage somptueux, donnant sur une baie inhabitée,
Moana ( avec ses plants de manioc)
et Marie Louise nous accueillent sur leur exploitation maraîchère perdue au bout du monde, à deux heures du village ; tout arrive et repart à dos de cheval.
A un maraîcher Corse en balade, qui voulait voir son tracteur, Moana répond « tu l’as en face de toi » mais lui, il connait Paris mieux que nous !
Ils exploitent 10 hectares de légumes à 4 et font 4 récoltes de tomates par an. Tous les vendredi ils chargent leur production sur les chevaux pour les emmener à Taiohae, (cheval puis bateau puis camion) mais un décor à rendre jaloux les paysans de métropole.
JACQUES L’ERMITE PUBLICITAIRE
Echange de livres et d’histoires avec Jacques, 77 ans, Le Parisien, qui vient de revenir 40 ans après sur cette baie pour se « re- poser » avec une petite valise, seul, hébergé dans une cabane, avec un cheval et 3 fois rien ; tout ça prêté par ceux qu’il a « aidé » il y a 40 ans ou leurs enfants : « le popa est de retour » ; ils ne l’ont pas oublié !
Il a tout fait, tout vu, brassé des sommes vertigineuses dans la publicité des années 70, investi pour la défiscalisation ici, avec Yvonne et son mari, dans les années 80, eu 4 enfants et 4 femmes, a été recherché par interpol et a eu plusieurs vies dans plusieurs pays…
Encore un moment de rencontre étonnant dans la pénombre du crépuscule sur la baie ; il nous propose un régime de bananes pour ce moment partagé ! de quoi faire rêver les « vieux en maison de retraite ». Il semble tellement heureux, « je me promène à poil la nuit en écoutant le ressac de la mer, je profite de la douceur du vent sur mon corps, j’ai plaisir à être libre… de quoi méditer…
En tout cas il nous a fait rire avec ses aventures dans le milieu débridé de la pub des années 70 : drogue sexe et pognon. Ca lui permet de faire parler le jeune « moitié » sur sa vie sexuelle avec la gente masculine locale, sans tabou, un vrai roman « sociologique » sur le dessert…on ne vous met pas les détails par écrit..
Combien sont-ils, qui, comme Jacques, ont vécu en Polynésie une aventure de leur jeunesse mais qui reste à vie « tatouée » dans leur souvenir comme le lieu du bonheur…
LA BAIE DE TAIOA ET LA VALLEE D’HAKAUHI ET LA CASCADE DE VAIPO
L’anse de Takueta dans la baie de Taioa ; un petit écrin de verdure au pied des pics basaltiques de 800 m.
Quelques familles vivent là sur des terres ancestrales ou des lots de l’état et cultivent des arbres fruitiers ; le seul accès est par la mer.
On y accède par la rivière que l’on remonte, soit en poussant l’annexe si la mer est basse, soit en frôlant les récifs pour éviter les vagues ; un peu « ludique », mais après, la remontée est superbe, paisible.
On va y rester dîner, car une famille avec 3 petits voileux a « réservé » chez la seule famille permanente de la vallée, Teiki et Kua : Langouste, poulpe au coco, cochon grillé, beignets de banane, un repas gastronomique exceptionnel...
Au beau milieu d’une conversation avec Teiki, on entend le téléphone sonner alors qu’il n’y a pas de réseau ??? eh oui ! il y a une cabine téléphonique sous le manguier
il se précipite, et ça lui permet de guider le jeune pharmacien intérimaire de Taiohae qui a tenté de rejoindre la vallée par un sentier de chèvre sans guide ; « fais demi tour », lui ordonne t’il ; il est perdu dans les montagnes à 16h, la nuit tombe à 17h.
La « maison resto » à la polynésienne, c’est à dire on ne peut plus basique,
l’accueil tellement chaleureux, convivial et passionnant ; ils ont envie de partager sur leur vie, leur culture... le frère de Kua fait des chansons sur leur culture : le groupe Takanini. Teiki a un magnifique tatouage sur son visage.
Il raconte son histoire; Kua me met vite au travail pour l’aider à finir de préparer le guacamole; j’aime …
Ils ont oublié d’être bêtes : ils se sont « spécialisés » dans la vente de fruits aux voiliers qui partent vers les Tuamotu, elle vend les disques et les teeshirts du groupe de son frère, mais c’est super bien fait.
Cette vallée luxuriante mène à la cascade, et elle est « gérée » par une association. Il faut payer 8€ (on n’a toujours pas compris pourquoi ?) pour y aller par un chemin plat mais difficile et peu entretenu. On aperçoit la cascade dans toute sa hauteur (350m) au détour du chemin par une trouée dans la verdure, mais en ce moment, c’est juste un mince filet d’eau ; Finalement on s’arrête devant un panneau « chute de pierres , interdit de passer » dans un endroit où on peut heureusement se baigner ! pas notre plus belle balade… Mais on a la chance de voir 2 anguilles de rivière de 1m50 jouer parmi les chevrettes (crevettes de rivière très prisées ici car ils en font une boisson fermentée très amère adorée par les Polynésiens).
UA POU
En face de Nuku hiva à 4h de navigation, l’île de UA POU ressemble à un palais de conte de fée avec ses 12 pitons volcaniques semblables à des donjons auréolés de nuages.
L’île , avec ses 2 000 habitants, passe pour la plus engagée sur le plan de la défense de la culture marquisienne ; En décembre 2019 elle accueillera le 9ème festival des Marquises ; les habitants vibrent déjà d’émotion en évoquant les tambours dans les montagnes qui accueilleront les spectateurs ..et résonneront dans toutes les vallées ; venez y si vous pouvez… Mais apparemment tout est déjà complet ; on nous a même demandé si on serait là pour louer des cabines d’Alaïa… pas prévu !
SAUVETAGE CANIN INTER ILE
Un habitant de l’île nous contacte avant notre départ de Nuku Hiva pour savoir si on peut lui amener un médicament pour un chiot de 2 mois en urgence ; un peu de stop pour aller à la pharmacie, puis arrêt dans la baie de Hakahau pour la livraison ; jeter l’ancre, descendre et remonter l’annexe, ressortir de la baie, un bon détour qui ne sauvera malheureusement pas le chiot, mais on a participé à la solidarité inter-îles, ici c’est important..
Mouillage dans la baie d’ Hakahetau,
baie plus petite et plus calme, avec un joli village; dans ces vallées, pas d’agression, on te salue, on te renseigne si besoin, mais un grand respect de la vie privée, c'est doux à vivre… Si tu as besoin de viande, de fruits ou de poisson, tu demandes et pour quelques francs pacifiques tu fais tes courses.
LA VALLEE DE HAKAHETAU
La vallée de « TIPIERROT » ; un ancien de l’armée marié à une Marquisienne qui revient au pays. Ils sont nombreux à avoir vécu ce chemin… Cet ancien maître d’hôtel sur les bateaux de la marine tient un snack « gastronomique » dans la maison de famille de Rose et ils gèrent la plantation d’arbres fruitiers plantés par le grand père ; des sacs de pamplemousses et de citrons partent tous les 15 jours pour Papeete ; un sacré boulot, ici la nature est généreuse, mais elle est exigeante; Rose aurait préféré rester vivre à Lorient mais elle a suivi… et maintenant elle trime !
Lui il a le cœur sur la main avec un comportement un peu paternaliste « bien connu », il semble apprécié et il a failli devenir maire aux dernières élections ; mais il est et restera un Popa.
Son neveu nous emmène le lendemain faire la boucle de Poumaka.
Alors là !!! 1h30 de montée sans lacets ,
le versant à pic de chaque coté ; la brousse, les pandanus
on a les gouttes de sueurs qui tombent à la verticale,
mais le chant de Samou en Marquisien et les hakas qu’il entonne en nous attendant en haut, au pied des pics nous attirent,
vers des panoramas extraordinaires. Arrivés en haut, il nous offre le pamplemousse ramassé sur le chemin. Tout au long de la balade, il nous apprend les herbes qui soignent, connaissances transmises par sa grand-mère qui l’a élevé et dont il s’occupe aujourd’hui à l’aide de sa jeune femme, alors que ses tantes habitent le village !
Dans la brousse, les plantes sont une trousse de secours complète. Pour les piqures, les hémorragies, les douleurs…
Samou part avec un coupe-coupe qui lui permet de se nourrir et de se soigner.. On est en sécurité ! Nous on a de l’eau avec un peu de gingembre, de l’apis et de l’arnica ; on est sauvés… au cas où la brousse soit en rupture de stock mais ici à part les cent pieds, le seul danger seraient nos limites (fatigues, entorses..)
Deux jours après (un jour de récupération, halte aux cadences infernales) on fait une randonnée qui traverse l’île avec un « vrai », un autre « ancien de l’armée », style commando, le « Wilkipedia » et Rambo des Marquises, passionnant , une caricature, le style qu’on adore : « t’inquiètes pas je suis là…..», style « néo colon » alors, les guides au black de l’île ont peur des procès avec lui , seul officiel qui fait les choses « correctement ». Vous avez compris…lui avait un sac à dos plein de matériel de secours ; mais pas de pamplemousse à nous offrir…
On abandonne Alaïa pour la première fois et on s’offre une nuit à terre pour profiter de l’escale de l’Aranui et être à pied d’œuvre pour la randonnée du lendemain qui doit nous ramener au bateau
L’ARANUI
Ce cargo mixte transporte à la fois des marchandises et des touristes pour une croisière très originale. Outre une escale dans les 6 îles habitées des Marquises, il s’arrête à Fakarava à l’aller et à Rangiroa et Bora Bora au retour ; cordon ombilical entre Tahiti et les Marquises depuis plus de 30 ans, il est un élément essentiel de la vie des marquisiens.
Pour les passagers, ce n’est pas une croisière classique ; ils suivent le rythme imposé par le déchargement et le chargement de la cargaison, partagent la vie de l’équipage qui sort facilement les yukulélés le soir après le boulot, et sont accueillis à chaque escale par de la musique, de la danse et des expositions d’artisanat ; on leur propose également des excursions et des conférences
Ce jour là, nous profitons de ces animations
C’est magnifique , ces danseurs habillés et maquillées avec des produits naturels ; leurs danses sont d’une puissance envoûtante.
On aimerait comprendre tous les messages qu’ils transmettent, mais la magie est là aussi dans les gestes, sons et les tons de la voix.
Prés de l’aéroport, on a rencontré Pierre qui est sculpteur et prof de HAKA
personnage puissant qui pose sa sculpture pour nous captiver par ses valeurs ancestrales et son histoire quand il dormait dans les rues de Papeete pour pouvoir payer les études de sa femme (ils n’allaient à l’hotel que le wek end). Il transmet aux jeunes les regards et les gestes du HAKA .. On était comme deux petits écoutant une histoire..
Après une petite virée à Nuku Hiva pour le festival de musique des Marquises, retour a la voile vers Ua Pou pour continuer nos rencontres avec les marquisiens de la vallée, répondre à des invitations. Encore de belles marches à admirer cette île magnifique ; nous reprenons la mer avec un réel plaisir à chaque fois, le plaisir de remonter l’ancre, tourner le dos à la terre, hisser les voiles et sentir l’appel du large, du vent et de la houle sur nos corps.. Alaïa reprends vie .. Nous allons vers une nouvelle aventure avec la mer, avec les îles,
Nous finissons de mettre le thon séché dans l’huile d’olive
la prochaine fois on le fera mariner dans le citron, aux Marquises il y en a suffisamment…
LES CODES
On nous avait raconté plein de choses sur les Marquises… sur l’hospitalité, la générosité et l’accueil des voiliers… Aux Tuamotu, on voyait arriver les bateaux chargés de pamplemousses et de citrons et il nous a fallu un certain temps pour comprendre quelques trucs…
C’est vrai que la nature est très généreuse, mais récolter des fruits, c’est un travail non négligeable, et pour certaines familles, envoyer des sacs de pamplemousses à Papeete représente un revenu important. D’un autre coté, à certaines saisons, les fruits pourrissent sur le sol et ils n’arrivent pas à les ramasser.
Alors il y a des comportements très différents de la part des marquisiens, comme nous l’ont très bien expliqué Rose et Pierrot , et ce comportement est complètement lié à l’attitude des voileux qui représentent le plus grand contact des marquisiens avec l’extérieur.
La plupart , surtout dans les endroits où ils ne voient pas des centaines de bateaux débarquer à la haute saison, te disent d’aller ramasser les fruits, même quand tu leur proposes de leur en acheter. Mais quand ils voient des gens repartir les cales pleines pour aller faire du troc voire vendre aux Tuamotu, ils ont les boules…
D’autres voient l’occasion de gagner facilement de l’argent en se « spécialisant » dans la fourniture de fruits en semi gros pour les bateaux en partance… Difficile de comprendre pourquoi être généreux avec des personnes qui n’ont pas l’air d’être dans le besoin et qui n’ont pas toujours des comportements très respectueux ; Pour les anglophones, la barrière de la langue est un gros handicap.
Les gens qui voyagent en bateau doivent se sentir très concernés par l’empreinte qu’ils laissent dans les endroits où ils passent, et aux marquises, poussières d’îles au milieu de Pacifique à 30 jours de Panama, cela nous semble particulièrement vrai.
LA PRISE EN CHARGE DES PROBLEMES DE SANTE (vue de l’intérieur)
On a voulu tester !!! on a pas été déçu par l’efficacité…
A Ua Pou, Myriam a eu un problème à l’œil (des flashs et une tension sur le coté) et on était un peu inquiets ; elle est allé au dispensaire du village et a rencontré le médecin de l’île qui faisait sa tournée hebdomadaire ; il a décidé d’appeler l’ophtalmo de garde à Papeete et devait nous rappeler après avoir eu son avis. Le soir, n’ayant pas de nouvelles on a décidé de changer de cap et de revenir à Nuku Hiva pour consulter aux urgences de l’hôpital (un 1er novembre !)
Super accueil, des soignants travaillant ensemble en concertation ; pendant l’entretien avec le médecin de l’hôpital, celui de Hua Pou a rappelé ; il avait eu l’ophtalmo qui préconisait un fond d’œil à l’hôpital de Papeete pour éliminer une suspicion de petite déchirure de la rétine.
1 heure après, Myriam était dans l’avion direction Tahiti ! Bon à Papeete cela a été un peu plus compliqué (gros service d’urgence !!!) mais le lendemain matin c’était réglé, on était rassuré… une petite journée coiffeur et shopping et retour aux Marquises.
Et grâce aux accords entre la sécurité sociale et la CPS, coût de l’opération : zéro ; les « evasans » sont très nombreux dans les avions entre les îles et Tahiti ; cela revient moins cher que de maintenir des équipements lourds dans chaque archipel, mais ce qui nous a surtout frappé, c’est la façon dont les soignants sont adaptés à ce système. Au retour de Myriam, on a rencontré une femme dont le mari a fait une chute grave en quad à Ua Pou : Pompiers du lieu de l’accident au port, puis évacuation vers Nuku Hiva en bateau accompagné par une infirmière, ambulance jusqu’à l’aéroport, puis avion médicalisé du SAMU venu de Papeete…
Demain départ pour la dernière étape du voyage, les îles du groupe sud avant de laisser Alaïa pour quelques mois à Hiva Hoa….