blog de voyage sans prétention pour ceux qui ont envie de nous suivre
8 Octobre 2018
Départ d’Irifa avec émotion
. Nous avons l’impression de quitter la maison
; le stage « ne rien faire » a été bénéfique ; 2 semaines sans internet, il commence à y avoir du retard ! et il semble que l’on va pouvoir récupérer le moteur au village du nord cette semaine.
On s’arrête à Pakokota chez Mathieu, Agnès, et la petite Hanania et nous profitons d’un soir où ils n’ont pas de pensionnaires pour les inviter à diner à bord ; cela ne leur arrive manifestement pas très souvent.
En dehors de la compétence et de la gentillesse d’Agnès et Mathieu, ce qui fait l’intérêt particulier de cet endroit est que l’on capte internet depuis le bateau ; ça permet de régler les problèmes sans stress malgré la lenteur de la connexion, et d’éviter ce qui se passe ailleurs dans les endroits où ça serait bien d’être disponible aux échanges : tout le monde est connecté à son téléphone ou à sa tablette, dans sa bulle et les gens qui passent doivent se dire qu’on est totalement «geek ». Ca fait mesurer à quel point internet a pris nos existences en otage ; En décembre les grands atolls des Tuamotu vont être cablés ; tant pis pour les petits qui vont rester avec le satellite !
Alain met la journée pour arriver à envoyer le blog (pas à plein temps je vous rassure, je me repose, je lis et je me baigne aussi !) ; Les commentaires que nous recevons nous motivent à continuer ; l’impression de rester en lien avec nos amis est très forte, et surtout de partager ce voyage en Polynésie avec vous, avec ses moments de plaisir, de rire et de doute …
A terre il y a les nonos, c’est dur de ne pas se gratter, et les démangeaisons reviennent plusieurs soirs de suite à la même heure. On oublie qu’il ne faut pas aller à terre à 18H ; c’est l’heure des moustiques mais aussi des rencontres.
ANTOINE
On l’a croisé, l’homme qui nous a fait rêver…pas avec la pub des opticiens « Atoll » mais surtout par ses livres et films sur la Polynésie, (pour les plus jeunes, c’est celui qui a fait la chanson « Antoine va te faire couper les cheveux ») Fakarava est l’atoll où il passe le plus de temps.
Il est parti dans les années 80 sans savoir naviguer, puis a rédigé un super livre sur la navigation simplifiée, …
Il n’a pas coupé ses cheveux malgré ses plus de 70 ans et porte toujours des chemises à fleurs ; nous le croisons régulièrement. Il vit sur un catamaran jaune « Banana split » ; le premier jour, au quai de Rotoava. il s’est amarré derrière nous, alors je l’ai remercié pour le « bon plan » mais je n’ai pas voulu le prendre en photo, désolée, ; il nous a donné l’envie de venir ici. Il a dit à notre copain Victor qu’il a pris en stop qu’après 2 tours du monde il a compris que la Polynésie est l’endroit le plus agréable en voilier ... il a été long à comprendre, nous on lui a fait confiance !
Il aime sa solitude et sa vie dans les atolls. Son cata jaune est souvent un peu à l’écart à Pakokota ou à Irifa.. Il commence à se faire piquer ses « bons plans » ; un jour il a trouvé 25 kiteurs dans son mouillage secret où il est toujours seul…dont il a tu les noms dans ses livres … son paradis…
MYRIAM EN HAUT DU MAT
Ca y est, je suis montée en haut du mat avec la chaise, un peu un baptême. Ca fait 18 m
C’est magnifique,
Ca donne un peu l’impression d’avoir 20 ans.. mais il faut avoir confiance dans le winch en en celui qui le manipule.
LE COCOTIER
Un petit topo sur ce bel arbre, introduit en 1860, qui nous semble être l’or de la Polynésie, car il crée de nombreux emplois grâce à ses multiples utilisations :
Pour l’environnement, car il protège les lagons et habitats du vent, il crée la seule ombre
L’eau de coco : on la prend verte, et on l’ouvre à la machette ,
ou on attend qu’elle soit marron pour l’ouvrir en enlevant la bourre sur un pieu en fer
ou en bois , puis ouvre la coque en 2 en cognant avec l’envers de la machette;
Le lait de coco : on râpe la pulpe avec cet « outil »
Il existe des râpes électriques mais il faut trouver la personne qui en a une et qui a envie de le faire puis on presse la pulpe râpée
… on ne trouve pas de lait de coco dans les magasins car ça ne se garde pas plus d’un jour. On peut également utiliser la coco râpée en pâtisserie .
Les rejets qu’il faut éclaircir donnent d’excellents cœurs de palmiers.
Les coques brûlées servent à allumer le feu et sont des bons anti-moustiques,
Les bourres sont utilisées en compost et pour protéger les plantations du soleil
Pour les produits naturels : le coprah sert à la confection du monoï, de nombreux produits de beauté ; l’huile est très à la mode pour la cuisine.
On se sert également des cocos pour la nourriture des cochons.
Les feuilles servent pour les tissages, chapeaux, plats, la décoration, les habits de fête
, les palmes et le bois pour la construction,
LES OURSINS « CRAYONS »
Ils sont magnifiques, violets au Tuamotu, verts aux Marquises. Les piques servent pour les bijoux et l’art ;
On les trouve dans les failles du récif côté mer.
LES REQUINS
Dans les atolls des Tuamotu, il faut apprendre à vivre avec eux car ils sont présents partout, particulièrement à Fakarava , surtout au sud.
Au cul du bateau, ils sont là en permanence, car les chirurgiens viennent manger ce qui sort des évacuations ou ce qu’on jette d’organique : marc de café, restes de repas... les requins tournent autour prêts à saisir la bonne affaire…
Ils sont tellement nombreux que les gens hésitent à se baigner et à nager ; ça refroidit un peu, d’où l’intérêt du groupe de nage car ils sont craintifs.
Il n’y a pas de mort répertorié à cause d’une attaque de requin en Polynésie, en revanche, beaucoup de morsure avec une trentaine de points de suture pour des chasseurs sous-marins. Ils se nourrissent principalement de poissons blessés ou affaiblis, donc quand on chasse, il faut traîner une caisse
derrière soi pour sortir immédiatement le poisson blessé et changer d’endroit dès qu’ils sont trop nombreux ; de même prendre un thon près du tombant ou des passes est très difficile, car dès qu’il mord, il émet un signal qui attitre le requin qui le dévore d’un coup de mâchoire.
Aline la compagne d’Adrien (une grande chasseuse de gros) conseille de leur mettre un coup de poing ou de flèche s’ils nous embêtent pendant la pêche, mais on est non violents, vous savez….
Les Polynésiens entretiennent des rapports ambigus avec le requin : ils le respectent et le craignent voire le déïfient ; Jadis, des croyances voulaient qu’il soit la réincarnation d’un ancêtre et qu’il puisse être sollicité pour venger un honneur bafoué ; cela dissuade parfois le chasseur le lendemain de disputes conjugales. Certains le chassent quand il y en a trop (excellent comme engrais pour le potager) ou les mangent.
LA VIE SUR LES ATOLLS
Sur les grands atolls comme Fakarava ou Rangiroa, il y a un village relativement important qui concentre la majeure partie de la population ; ils sont ravitaillés régulièrement par les « goélettes » et par des avions quotidiens ; il y a des pensions, et donc des touristes ; la vie est relativement normale, même s’il n’ y a pas de magasins autre que des petites alimentations qui vendent un peu de tout sauf des vêtements et sI internet est un peu lent.. Il y a une route, et quelques voitures ; souvent des 4X4 alors qu’il n’y a ni piste ni montagne ; Les tricycles sont nombreux, ils remplacent vélos et voitures car ils permettent de transporter les courses.
Dans les petits atolls, c’est une autre affaire : les villages sont des communautés de 50 à 200 personnes, organisés autour d’un conseil municipal. Elles doivent résoudre tous les problèmes humains et techniques sans aide extérieure évidente (au mieux 1 avion par semaine quand il y a un aérodrome et 1 à 2 goélettes par mois).
Concernant la santé Une auxiliaire de soins, formée en 8 mois, est d’astreinte 24H/24 tous les jours ; elle fait les consultations par téléphone avec les médecins de Papeete. Elle fait un gros travail sur l’alimentation, afin de valoriser le local au lieu des sucreries importées.
Un médecin vient tous les 6 mois, une sage-femme tous les 2 ans, un dentiste une fois par an, avec son matériel portable
Les urgences sont évacuées (2 avions sont prêts en permanence à décoller sur l’aérodrome de Papeete), mais les soins ne sont pas bien pris en charge.
Les femmes enceintes sont obligées de partir à Papeete au début du 7ème mois
Dans les atolls, pas de pharmacie, tout est cher, ils ont l’habitude de se débrouiller et de supporter.
Pour la ciguaterra, il n’y a que des traitements symptomatiques (diarrhées, chute de tension, gratte, vomissements...) mais finalement l’auxiliaire me confie le remède miracle qu’ils ont dans leur jardin, : une tisane de 7 feuilles jaunes de Nio Nio lavées avec 1l d’eau à boire toute la journée pour évacuer la toxine.
Un autre petite recette naturelle en passant : pour les moustiques, allumez des boules de tamanou écrasées dans une boite de conserve trouée et fermée (pour éviter qu’elle mette le feu à la maison, ça saute partout).
Pour gérer les conflits, ils doivent se débrouiller, entre eux, et ce ne sont pas les tensions qui manquent dans une petite île. Ils sont obligés de cohabiter et que ça marche, il est impossible de partir .
2 gendarmes viennent en moyenne tous les 2 ans et restent une semaine à chaque fois. Ca devait surement mieux fonctionner avant que les missionnaires éradiquent tout le mode de vie traditionnel et avant qu’internet et la télévision créent des envies totalement inaccessibles vu le peu de débit, l’éloignement et le prix des billets d’avion. Concernant le confort moderne, il n’y a pas d’électricité et chaque habitation a son installation solaire, un système de récupération de l’eau de pluie et bien sur une parabole pour la télé ; pour internet il faut aller devant la poste.
Malgré cela, la vie y est très cool ; le poisson très abondant et ceux qui en ont l’énergie arrivent à faire pousser des légumes et même des bananes. L’ambiance est paisible et les gens semblent bien ensemble malgré les difficultés évoquées plus haut ; ils sont encore plus accueillants qu’ailleurs en Polynésie (c’est peu dire). Ici, pas de gros besoins, on ne court pas après le travail, il fait trop chaud, et puis pourquoi avoir plus ?
Sur ces atolls des Tuamotu on sent très fort qu’ils ne sont pas intéressés dans leur générosité ; on n’a jamais senti d’arrière-pensée, ni d’envie de profiter.
Ici, pas de cadenas, personne ne ferme les portes à clef,
c’est une impression incroyable de sécurité apaisante . Parmi les anciens, beaucoup vivent de la retraite de leurs années passées en métropole souvent dans l’armée. Ils reviennent dans leurs îles repus de voyages et convaincus que la qualité de vie sur la terre de leurs ancêtres est de grande qualité. La famille est autour des anciens et des petits.
LA BALEINE
Elles passent du nord vers le sud entre fin aout et fin octobre avec les baleineaux qu’elles viennent faire naître dans les eaux chaudes. .
On parle souvent de Moorea et Tahiti, mais elles passent aussi aux Tuamotu, on les a entendues. On sait que plusieurs sont rentrées dans les lagons où elles viennent se protéger, dont une qui a été mordue par un orque.
Tous les jours quelqu’un nous raconte en avoir vu, soit les souffles, soit les sauts, des deux côtés de l’atoll de Fakarava et on décide de faire le tour par l’extérieur du nord au sud, 6 h de nav. pour tenter d’en voir, et éventuellement de pêcher le thon à l’extérieur..
Rien, sauf une navigation délicieuse avec un bon vent, protégés de la mer du vent par le récif et un ¼ de thon de 10kgs ; rassurez-vous on a gardé la tête, le requin qui l’a bouffé d’un croc n’a pas eu le beau rapalat tout neuf !!!et M ….E
Mais 5 mn après en arrivant devant la passe, on voit un souffle puis le dos d’une baleine ; elle rentre dans la passe de Tetamanu et s’arrête. La passe est particulièrement calme, Alain propose que j’aille la voir de près ; BOF ! pas envie, un peu fraiche non ? 16h et il n’y a personne, c’est la passe aux 700 requins… et puis seule avec une baleine, ça intimide…je ne veux pas lui faire peur !
Un groupe de plongeur arrive et 4 descendent a l’eau, « on a déjà nagé avec elle ce matin » ; Je pars avec eux, doucement, rassurée ; Alain reste sur le bateau qui n’est pas ancré, il propose au pilote d’amarrer son zodiac au bateau et de les rejoindre ; le groupe est petit et calme.
LE BOUM BOUM DANS LE CŒUR ; UNE BALEINE VERTICALE DE 10M sous moi, avec son bébé qui descend régulièrement vers elle, sous son aileron,
. Seulement le bruit de ma respiration, et de l’émotion, on est dans l’eau avec une baleine... mon rêve, elle bouge doucement, la tête vers son petit, elle le guide, magie ..
Je sors la tête, envie de partager avec Alain, peut-être le remplacer.. et là le flip .. IL EST A COTE DE MOI !!!!! qui est sur le bateau ? dans la passe de 100M de large avec une baleine au milieu ???? il est tout content …et essaie de me rassurer : « fais moi confiance ! j’ai confié notre bateau au skipper qui était dans le zodiac amarré au nôtre !! je le sentais bien » … moi moins, il l’a vu 5 mn…
Alain a largement profité de cette magie, moi j’ai été un peu moins détendue sur cette partie…
Je vous rassure, Alaïa va bien ; on a peu de photos de la baleine mais on est heureux de pouvoir dire « On a nagé avec une baleine». Le skipper a été super sympa de remplacer Alain, on aurait regretté car il n’y a pas eu d’autre occasion.
ALINE ET ADRIEN
Adrien notre copain prof de kite a Irifa nous a raconté ses moments magiques de nage avec les baleines à 1 m de lui en pleine mer, seul.
Aline sa compagne descend a 30M en apnée, chasse le thon dent de chien dans les passes, et affronte les requins en face si besoin «ne jamais leur tourner le dos il sentent si tu as peur» dit-elle, avec son adorable accent américain, « et bloquer le poisson contre toi pour l’empêcher de frétiller, c’est ça qui excite le requin » ; si tu veux un perroquet, ne bouges pas, ne le regardes pas, et quand il vient à toi, tires dans le cerveau ».. OK on rigole ; On va essayer… Merci pour le tuyau … FACILE. On ne va pas vous mentir, on n’a toujours pas eu de perroquet au fusil. On a du mal à tirer dans le cerveau sans regarder!
Ils accueillent leurs clients kitesurfeurs sur leurs 2 petits bateaux « routs »
pas de douche, pas de WC, vous allez dans la mer, pas de soucis, les raymoras qui ont des tètes en forme de panini font ventouse sous les bateaux aux sorties des évacuations ; ils vous nettoieront tout ça bien vite….
On a croisé leurs clients heureux … Si vous rêvez KITE, dans un endroit parfait, venez avec eux, ils sont magiques, adorables, modestes, à connaitre … Ils se marient à FAITE , le village va les fêter à la Polynésienne, … ils ont souvent emmené les enfants en bateau, et offert du matériel …
LE CORAIL et le réchauffement de la planète
Le corail est un petit animal semblable à une méduse inversée avec une bouche entourée de tentacules sous lesquelles il construit son squelette de calcaire, la base des récifs ;
il ne peut vivre sans sa compagne, la micro algue zooxanthélie, qui lui apporte jusqu’à 90% de son énergie, via la photosynthèse. Un stress lié à une hausse de température et il dépérit. Il ne laisse que son squelette blanc. C’est le blanchiment suivi de la mort si la température ne baisse pas avant quelques semaines.
Les récifs qui recouvrent moins de 0, 2 % de la surface des océans abritent 30% des espèces végétales et animales marines, les protégeant des prédateurs et leur servant de garde-manger. Ils contribuent à la protection des côtes, à l’alimentation des hommes et la création d’emplois ;
Les cyclones et l’urbanisation sont aussi des agressions alarmantes pour eux. Les ancres des voiliers aussi…
Nous avons été étonnés de la pauvreté de couleurs des coraux et du monde sous-marin en général en Polynésie. Le corail souffre également de la présence d’un autre prédateur principal, l’Acanthaster appelée ici Taraméa
qui prolifère à grande vitesse et contre laquelle ne se battent que quelques amoureux de la nature en dehors des grands lieux touristiques.
L’ÎLE DE LA COCAINE
Un attoll qui s’est particulièrement bien développé aurait récupéré des centaines de kilos de cocaïne d’un voilier échoué.. Le jakpott, vous pouvez douter ! la mer est pleine de richesses. Quelques temps après, 2 magasins ont ouvert et le confort s’est amélioré sur l’île ; 200 KGS auraient disparu en mer après le sauvetage par les villageois… Y a-t-il un lien ? va savoir !
J’en voie qui sourient.. concernés ? On l’a tous été, que l’on navigue seul, à 2 ou avec des amis.
J’ai attendu 6 mois avant d’aborder ce sujet, un peu intime mais l’observation des autres et notre propre vécu nous permettent de rédiger sur ce thème plus en paix aujourd’hui…
La voile, c’est une passion, principalement masculine, et quand on vieillit, on a envie de se faire plaisir, avant qu’il ne soit trop tard, parce que l’on a bien rempli ses devoirs multiples envers la société et la famille. Envie également de faire plaisir à l’autre, en l’accompagnant dans sa passion. Mais jusqu’à quel stade en a t’on envie ou est-on capable de le vivre ? à un niveau personnel ou dans le couple ?
Il y a des freins avant et pendant le voyage : la peur, le boulot, les parents, les petits enfants (rarement les enfants, ni l’argent, on a vu des gens de tout âge voyager en voilier, il y a plein de plans..). C’est un moment qui peut être magique ou un moment de rupture, selon comment chacun prend du plaisir à ce projet ;
Et nous dans tout ça ? 2 Béliers sur un bateau, vous imaginez ; un qui a dirigé toute sa vie des équipes, seul maître à bord, en activité permanente, et là nouveau retraité ; et moi avec la crainte de me retrouver dans un lieu fermé avec lui à cette étape de sa vie … mais il fallait se lancer dans notre vieux rêve maintenant, encore en bonne santé, sans parents ni petits-enfants.
Je craignais que 6 mois ce soit trop long,.. c’est bien trop court … On a prolongé … c’est très bon signe !
On ne voulait pas se retrouver dans une relation capitaine / équipier mais dans une relation de couple/équipe ou les compétences nautiques d’Alain permettent d’orienter nos décisions et d’assurer notre sécurité ; On a beaucoup discuté… C’était tonique… Désolés pour ceux qui sont passés au début et ont « collaboré » aux réglages de l’équipage. En bateau comme en couple il faut toujours être vigilant à l’équilibre et à la sécurité.
J’ai dû vaincre ma peur par l’apprentissage de la navigation, car toutes ces années j’étais plutôt à d’autres rôles ;
des années de savoir et d’expérience à rattraper, c’est long et compliqué, et je ne pourrai jamais être au top , mais c’est très agréable de reprendre à 60 ans un loisir qui permet de se dynamiser
les conditions sont optimums, surtout depuis qu’il y a, après 5 mois moins de « gags » qui ôtent un peu de la confiance , même si ils font rire après ; par exemple un bain forcé du « capitaine » parti avec l’annexe accompagner Céline et Yohann à l’ aéroport… (« Si vous êtes sages et que vous me faites boire, promis je vous raconterai » Alain…)
Alain a ajusté ses connaissances à la réalité de la Polynésie et ses curseurs sur la sécurité. Il a pris en compte mon désir de comprendre et de participer à toutes les décisions. On s’est beaucoup renseigné auprès des autres équipages qui sont en mer depuis bien plus longtemps que nous, et aujourd’hui on navigue beaucoup plus sereins sur notre bateau à tous les deux : Alaïa.. Ca y est , on a réglé nos curseurs, en résumé « il court moins et moi plus »
Et les autres ?
Parmi les gens de notre âge, on rencontre beaucoup de couples à la retraite, paisibles, voyageant depuis des années, de toutes origines., ayant tout vendu ; ils ont l’air d’avoir trouvé un bel équilibre de vie. Certains se retrouvent ponctuellement, en dehors des grandes traversées.
D’autres continuent alors que « la soupe à la grimace » est de mise ; Madame s’ennuie, mais « rentrer ? pour faire quoi ? » pas trop le choix ; ici, peu d’alternative. Le bateau, c’est un lieu de compromis, on est 24H/24 ensemble, avec des moments sympas mais aussi beaucoup de sources possibles de tensions ; fatigue, peur, inconnu de l’environnement, méconnaissance de la navigation, promiscuité, manque de lien et de loisirs réguliers et surtout, déséquilibre dans le bonheur d’être dans ou sur la mer.
Nous avons constaté que nous étions plusieurs femmes à faire des cauchemars que nos maris tombent à l’eau pendant les navigations, d’où la difficulté de dormir bien, besoin de toujours être sûres qu’il est encore là …
Il y a également pas mal d’hommes seuls, de tous âges, parfois un peu tristes d’avoir dû continuer seul car leur besoin de la mer a été le plus fort. Ils parlent beaucoup d’eux, vivant leur passion, mais en manque… de l’autre.
Une histoire drôle : on entend beaucoup quand le vent porte d’un bateau à l’autre, … surtout ce jeune couple qui s’engueulait depuis leur arrivée à côté de nous « casses toi, fais chier.je vais la mettre par-dessus bord… »
En fait ils parlaient à leurs deux chatons! Clem et Florian sont très bien ensemble, on les a informé de l’impression que l’on avait à 100m, ils les engueulent moins fort… on lui doit ce joli dessin de nous ... Elle nous a bien compris!
Ils font partie des jeunes qui ont tout largué pour le voyage ; connaissant peu la vole, avec de petits moyens financiers ; une autre vie incertaine mais tellement riche ; ils travaillent régulièrement pour remplir la caisse de bord. Clem propose un service de voilerie itinérante, et dans ces endroits où il n’y a pas grand-chose, elle ne manque pas de boulot…Une belle énergie..
DEPART POUR LES MARQUISES
Nous avons passé 45 jours à attendre la réparation du moteur de l’annexe… Bravo Yamaha à Papeete! on finit par le récupérer en pièces détachées, non réparé ! c’est Aldric de Fakarava Yacht service qui le remonte, mais il fait un bruit bizarre ; on ne va pas s’éloigner beaucoup du bateau avec, il risque de nous lâcher…prions, et gardons les rames prêtes..
On part a 2; il y a 2 mois je ne voulais pas ; trop peur de 4 nuits en mer sans relais pour les quarts mais on est prêts; et puis on a moins envie de gérer les « mals » de mer et de veiller sur d’autres équipiers… J’ai demandé à plusieurs couples comment ils faisaient, et finalement avec les alarmes de l’AIS et du radar, ils dorment la nuit ; et puis on croise très peu de bateau, l’océan est tellement grand! Nous avons récupéré beaucoup de guides qui nous permettent de réfléchir ensemble aux routes à faire en fonction des horaires de passes , des météos, des îles à voir… 90h de nav, ça a été un moment délicieux.
Pour aller aux Marquises depuis Fakarava, il faut procéder en 2 temps : attendre un flux de sud ou mieux d’ouest (ils sont très rares et ne durent pas) pour gagner au maximum vers l’est, vers les derniers atolls avec passe : Makemo et Raroïa, ou mieux plus au sud est Hao et Amanou ; là on attend que les alizés d’est se rétablissent et cap au NNE au prés.
Premier jour, on reporte déjà le départ, trop de vent et trop de mer. Ca se calme dans la nuit, on y va.
Le vent de sud-est nous empêche de descendre, notre destination sera Raroïa, un peu plus au nord. Navigation de 7h du matin à 15H le lendemain, on s’occupe donc agréablement et intelligemment,.
Pas de poissons pendant cette navigation, nous sommes encore déçus; pourtant en arrivant dans la passe, on voit les oiseaux chasser et les thons sauter, un globicéphale nous montre 2 fois son aileron.. On y retourne le lendemain , rien, à part des centaines d’oiseaux et un pauvre barracuda que l’on remet a l’eau car ils ont la ciguaterra mais quel spectacle extraordinaire ;
un ballet de centaines d’oiseaux qui nous encerclent de leur cris , bruits d’ailes et plongeons dans la mer.. une chorégraphie grandiose et unique de la nature maritime.
Les pêcheurs locaux nous confirment que c’est de plus en plus dur d’attraper du thon ; ils ont trop à manger dans les chasses et la concurrence avec les requins est dure.
RAROIA
Cet atoll fait 47 Kms de long sur 6 Kms de large et vit de la perle et du coprah. Il y a 200 habitants, en comptant les enfants qui partent à 12 ans à Makemo, pensionnaires ; les parents ne les revoient qu’aux vacances.
2 petits magasins, une poste avec le wifi, une mairie.
Dès notre arrivée Alaia accueille plein d’enfants, ravis de monter à bord essayer le trampoline et goûter avec nous.
LE RADEAU DU KON TIKI est leur fierté ; Il est en photo a la mairie
C’est un radeau norvégien qui s’est laissé dériver depuis le Chili en 1947 avec un équipage de 4 personnes pour analyser les courants; il s’est échoué à Raroia : un autre radeau a tenté la même expérience des années après et est arrivée au même point. De nombreux Norvégiens viennent se recueillir sur le monument érigé sur le récif de l’autre coté de l’atoll. L’enfant du Kon Tiki
vient nous parler. Il avait 7 ans et un traumatisme crânien avec infection gravissime suite à une chute en mer; le navigateur du kon Tiki l’a sauvé. Il est l’homme célèbre de l’atoll et vient se présenter comme tel.
Sur cet atoll je découvre enfin comment préparer les HOLOTURIES
(concombre de mer) : Les cuire 45 mn dans de l’eau de mer, les mettre au gros sel pendant 1 journée, nettoyer l’intérieur à l’aide d’un baton
pour ôter les intestins, les recuire 45 mn, les fumer une nuit,
les sécher au soleil 3 semaines et les vendre à Papeete pour les Chinois qui en font du trépang, mets chinois aux vertus aphrodisiaques... Ici personne ne les a jamais goûté!
LES ROBINSONS AVEC TARAPI
En visitant le village, nous faisons la connaissance de Tarapi qui propose de nous guider de l’autre coté du lagon, il veut apprendre la voile. il travaille avec ses 4 frères
et sa mère Vahu a de 62 ans au bord du lagon à faire des naissains pour les fermes perlières
Il arrive avec un super sac a dos polyvalent
fait maison, dedans il y a tout, la machette, les gamelles, la farine, ses affaire persos, ; il s’en sert de siège et pour mettre son poisson ; On part avec lui explorer son lagon, et la pêche qu’il aime et veut faire connaitre .
Traverser avec lui est plus facile, voici une photo des quelques patates de corail que nous avons noté sur le chemin de ce petit paradis qu’il nous fait découvrir.
LE KAVEU
Sur un petit motu de 40 mètres, Tarapi nous sort d’un trou 2 magnifiques crabes de cocotier qu’il nous mijote au feu de bois avec des galettes farine + eau cuites dans l’eau ; simple et bon.
La sauce « moutarde » est sortie du ventre du kaveu après qu’il ait ôté les intestins, il nous a assuré que ce n’était pas ce qu’il y avait dedans et s’est délecté en la mangeant, on a du goûter comme lui, et lui sourire en le remerciant ; le kaveu est déllcieux , la sauce moins !
Sur ce motu aux oiseaux, nous sommes veillés par ces merveilles qui ne pensent pas que nous pourrions les taquiner, ils ont confiance, ils sont chez eux.
On a l’impression de manger dans une volière, c’est magique, encore une fois.
Le lendemain on apprend a pêcher les mérous du bord avec les bernard l’hermite comme appât ;
Pourquoi chasser au fusil avec les requins autour ? Là, du bord, on en a eu 4 en 5mn ; on les laisse sous des branchage au frais sur les galets, un petit feu et hop , entier dans le feu
puis direct dans la mer quand ils sont bien grillés pour enlever la peau et les entrailles; 10mn de travail pour l’avoir dans l’assiette, pourquoi les vider après tout ? La vie peut être simplifiée .
L’accompagnement pour continuer le délice : le poe uto :
une noix de coco qui a commencé à germer : écraser la pulpe avec de l’eau et de la farine, mettre en paquet dans une feuille et dans le feu allumé avec les branches de cocotier et des petits coraux au fond, émietter dans du lait de coco sucré.. Trop bon,
L’après-midi, pêche dans le hoa, en 10 mn on a pêché 20 perches à bord dorées avec une canne à pêche artisanale. Impression d’être dans une fête foraine ou on gagne à tous les coups ;
Le hoa est farçi de petites murènes ; n’essayez jamais d’en tuer une ; leur résistance est effrayante, On en a tapé une petite plusieurs fois avec la machette, elle est partie, un peu sonnée seulement ; n’approchez jamais d’un trou avec des bijoux ; elles prennent ça pour de la friture et sortent comme un ressort. Une plongeuse y a laissé l’oreille. Une de ces sirènes de 2m est passée près de moi lors d’une plongée ; très impressionnante, et elle ne klaxonne pas, elle arrive en sinuant doucement… promis , je n’oublierais plus jamais d’ôter mes boucles d’oreilles.
Tarapi veut ramener du poisson pour sa famille, on se met à l’eau le lendemain matin pour une belle partie de chasse sur les patates incroyablement poissonneuses : des loches , des carangues, des perches, des nasons.. il est fêté à l’arrivée au village.
Les 2 jours suivant on emmène sa femme Kaulani, son bébé de 6 mois
Azarie et sa nièce de 19 ans qui a un chagrin d’amour. avoir 18 ans sur un tel atoll, c’est dur, car comme le dit Tarapi, « ses amis c’est sa famille , c’est la seule donnée sûre dans la vie »; Ce sera la plus dure à occuper ; mais les jeux de cartes nous auvent..
On va essayer de pêcher le thon à la bouée dans la passe,
technique traditionnelle très élaborée mais infructueuse ; on a seulement attrapé un requin que Tarapi a relaché en s’excusant avec des mots doux et apaisants. Avec Alain, ils finissent par aller en annexe dans la passe au milieu des chasses, et reviennent sans mon fusil ! Dommage, c’était ce qui me permettait de nager tranquille et de partager la pèche avec Alain.
Alaia leur a permis de vivre une petite lune de miel, ils ont dormi à bord ce soir là…et moi de me perfectionner pour le pain; une recette facile apprise pendant l’attente du retour des chasseurs !
La recette:
Levure : 2 cuillères à soupe dans ¼ verre d’eau chaude, attendre
6 cuillères à soupe de sucre dans un grand bol d’eau, ajouter la levure puis la farine petit à petit jusqu’à la bonne texture. cuire 45mn au four ;
Tarapi nous a fait vivre des moments magiques dans son lagon qu’il aime ;
ses couleurs, ses richesses innombrables , ses bruits et odeurs, les oiseaux , les couchers de soleil rouges derrière les cocotiers, les palettes de bleus, les caresses du vent et du soleil …
Le soir au village, nous rendons visite à son grand frère dont la femme Makau fait des magnifiques colliers et couronnes de fleurs.
QUELQUES BELLES PERSONNES
VICTORINE
, un petit soleil qui vit dans une baraque dont la seule fenêtre donne sur une vue paradisiaque sur le lagon ; elle accueille les voiliers et vit avec un sourire que j’aimerais voir sur le visage de tous les enfants qui ont une belle maison
LE CEUILLEUR DE FLEURS DE TIARE il ramasse les fleurs fermées à 5 h du matin chez les particuliers qui ne les utilisent pas, les fait sécher et les envoie a Papeete , dans des sachets ou elles gardent leur parfums.
MAKOE ET KIRI : les sauveurs de la passe
Un couple de Français qui vivent isolés sur un motu ramassent l’acanthaster dans le lagon seuls, c’est leur combat ; ils ont la reconnaissance des villageois qui « regrettent » de ne pas les aider .. mais c’est dangereux, une piqûre peut entraîner un nécrose grave et il est dur de la tuer…ils vivent là depuis 20 ans ; nous sommes le 5eme voilier à être invités chez eux, un havre de paix ou les kaveu , les oiseaux et les poisson du hoa sont apprivoisés ; ils sont sous l’eau 4 h par jour pour essayer de sauver le corail. A terme, ils savent que leur installation sera balayée par une vague en cas de fort cyclone, ils savent qu’ils devront alors partir se réfugier au village et cherchent déjà un lieu de paix pour leurs arts et passions.
NAVIGATION VERS LES MARQUISES
Ca y’est le créneau est là ; après 24 heures de vent de sud-est à 30 nœuds, il mollit à 20 nœuds et on part en gagnant vers l’est au maximum ; l’alizé d’est est prévu au bout de 24 heures
Dernier cadeau des requins des tuamotu en passant prés du DCP, ils nous arrachent les 2 lignes ; les thons devaient être beaux !
On est donc parti pour le plan « love en mer » à 2 .
Voici le programme de ces 4 jours et 4 nuits pour aller a Nuku Iva.
Pêche, bien sûr
la meilleure recette pour conserver le thon : mettre les morceaux 8 h , dans le gros sel, le rincer puis le sécher au soleil 3 jours
et enfin les mettre à macérer dans l’huile d’olive aromatisée … un délice ; le reste en tartare, sashimi, mi-cuit, terrine ; on vous invitera…
Râper les noix de coco pour les flans au rhum vanillé et gateaux cocos ;
Bref c’est une croisière gastronomique, on ne maigrit pas sur un voilier, on bouge peu et on mange bien, tant pis ..On marchera aux Marquises.
Scrabble, films
contemplation de la mer dont on ne se lasse pas, moments de méditation, d’échange, préparation de la découverte des Marquises, gymnastique et le quotidien bien sûr. On dort en alternance,
c’est paisible et on essaie de garder notre équilibre, car bien sûr on a du vent et on est au prés, ça bouge pas mal , donc on s’adapte en permanence ; le moins agréable c’est quand il y a les moteurs pour recharger le batteries ( frigo, pilote automatique ..) mais c’est peu souvent.
Passé les premières 24 heures d’adaptation, on se coule dans un nouveau rythme et on a envie que ça continue , ce bercement permanent, la vie en plein air, en pleine mer, ces bleus vivants de la mer et du ciel parsemé de blanc et de mouvements ..
les Marquises, ca se mérite. Ceux qui nous en on parlé avaient tous des lumières dans les yeux..
un ballet de plus de 20 dauphins pour nous accueillir, un cadeau de la vie en mer…